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Yves Rocher : une optimisation des transports au cœur de sa Mission

Publié le 16 octobre 2020

Récemment reconverti en « société à mission », le groupe Rocher a rejoint le dispositif Fret21 en avril 2020. Engagé dans un programme de réduction des émissions de CO2 de ses activités transport, Sébastien Bellone, Directeur Transport & Services Logistiques Groupe chez Yves Rocher, est intervenu lors d’un atelier organisé par Bretagne Supply Chain début octobre. L’occasion d’échanger avec lui sur le dispositif national et sur les actions déployées par le groupe. Rencontre…

Bretagne Supply Chain : Qu’est-ce qui a motivé l’engagement d’Yves Rocher dans le dispositif Fret21 ?

Sébastien Bellone : Depuis 60 ans, Yves Rocher a été un des précurseurs de la vague bio et végétale. Dans l’entreprise, la production, les emballages ou encore les questions énergétiques ont été largement optimisés. Pourtant, le transport, qui ne rentre pas directement dans notre cœur de métier, avait été oublié. A titre d’exemple, la distribution de nos 680 magasins en France était réalisée par à peine 6% de transport « vert » [ndlr : non diesel]. C’était un chiffre très bas et qui n’était pas accompagné d’une politique volontariste.

BSC : Pourquoi vous être lancé dans Fret21 ?

S. B. : En arrivant chez Yves Rocher, j’ai lancé quelques actions pour réduire les émissions de CO2 liées au transport. Je me suis vite rendu compte que je n’avais pas d’outils et que la démarche n’était pas vraiment structurée. Deux intérêts ont vite émergé du programme Fret21 : disposer d’un outil de mesure, et que cette mesure soit externe et incontestable. Fret21 intègre un outil permettant de calculer les émissions de CO2 de ses activités transport et les économies possibles par le déploiement d’actions d’optimisation. Je m’en suis notamment servi entre les deux tours de l’appel d’offre Transport pour la distribution France, que nous avons lancé cette année, pour évaluer l’impact CO2 des solutions proposées par les transporteurs. Nous avons ainsi pu étudier les réponses au travers des prismes « économique » et « service » mais aussi environnemental grâce à Fret21.

BSC : Quels sont les autres apports de Fret21 ?

S. B. : Les salariés du groupe Yves Rocher sont vigilants sur les actions environnementales de l’entreprise. Notre engagement dans Fret21 est un moyen de montrer que l’on travaille aussi sur le transport. En externe, j’essaie surtout d’inciter d’autres industriels à s’engager dans le dispositif. Ce sont eux qui peuvent avoir un impact sur la transition énergétique du transport, et à travers eux, leur communauté de transporteurs.

BSC : Quelles actions ont été déployées et intégrées dans Fret21 ?

S. B. : Le premier axe intégré à Fret21 concerne l’optimisation des chargements. Optimiser les véhicules : c’est le métier de base du responsable transport. Un des projets intégrés à Fret21 concerne les flux vers l’Allemagne. Yves Rocher y a une centaine de magasins, avec chacun leur jour et leur plage horaire de livraison, ce qui nous amenait à y envoyer un camion par jour. Le taux de remplissage variait en fonction des tournées. Il m’arrivait d’avoir des camions optimisés à 70 voire 65%, ce qui était un gâchis à la fois économique et environnemental. Nous avons travaillé avec le réseau pour revoir les tournées de distribution et nous sommes passés sur des véhicules double planchers. Avec cette optimisation, nous sommes passés à trois camions par semaine. Résultat : nous avons fait très facilement du « vert » et des économies. Les projets environnementaux doivent être accompagnés d’une démarche d’optimisation qui engendre des économies dans l’idéal ou qui, a minima, n’impacte pas l’entreprise.

BSC : Yves Rocher s’est aussi engagé dans la transition énergétique de ses transports…

S. B. : Dans mon plan à trois ans, j’avais trois objectifs : « nettoyer mon village, nettoyer ma région et nettoyer la France ».

Sur le « village » de la Gacilly, nous avons des usines et des plateformes entre lesquels transitait un ballet incessant de dix véhicules diesel. J’ai supprimé l’ensemble de la flotte et fait l’acquisition de deux tracteurs électriques. C’est un investissement lourd mais, là encore, nous avons monté un projet d’optimisation pour que cet investissement soit rentable. Premièrement, il n’est pas nécessaire d’avoir de permis pour conduire un tracteur électrique. J’ai donc formé une dizaine de personnes de l’entreprise à la conduite. Le tracteur électrique a un autre avantage : c’est qu’il ne fait pas de bruit. Au fur et à mesure des années, des habitations se sont construites à proximité de nos usines. On ne pouvait donc plus travailler avant 7h du matin, ce qui nécessitait de louer des remorques qui faisaient office de sous-entrepôt jusqu’à ce qu’on puisse libérer les productions de la nuit. Elles ont, elles aussi, disparu et le coût de la location a été libéré. C’est en regardant le problème dans sa globalité qu’on arrive à optimiser un dossier « vert ».

Le deuxième projet était de « nettoyer ma région ». Pour cela, j’ai décidé d’abandonner le diesel et de passer au biogaz. En local, nous avons des usines et des entrepôts à la Gacilly mais aussi à Ploermel, Rieux et Redon. Les véhicules qui font les transferts inter-sites étaient jusque-là au diesel. Le bioGNC est une solution parfaite pour ces trafics régionaux puisque les véhicules ont une autonomie d’environ 450 kilomètres. Mais il y a aujourd’hui un problème de stations : il n’y en a pas assez notamment en Bretagne. J’ai donc décidé d’investir dans une station gaz.

Dans ce projet, je collabore étroitement avec nos transporteurs locaux. Ces PME, qui travaillent depuis des décennies pour Yves Rocher, n’ont pas forcément les moyens d’investir dans des véhicules propres. Nous devons donc accompagner le changement en les rassurant avec des contrats de 3 ans, en les rémunérant décemment et en les accompagnant pour qu’ils sautent le pas avec nous. C’est important pour un industriel de définir la direction et d’embarquer avec lui sa communauté transport.

BSC : Et pour « nettoyer la France » ?

S. B. : Le biocarburant Oleo 100 est un bon compromis puisqu’il permet d’utiliser les véhicules diesel avec une légère modification et il entraîne une réduction de 60% des émissions de CO2 par rapport au diesel. Enfin, pour les très longues distances, le GNL vient compléter le tableau.

BSC : Vous avez aussi redirigé certains de vos flux export vers Montoir ?

S. B. : Par rapport à notre positionnement géographique, Le Havre est à 400 kilomètres alors que Montoir n’est qu’à 100 kilomètres. Avec cette bascule, nous réalisons 300 euros d’économie par conteneurs puisque la distance routière est moins importante. La solution met 5 à 6 jours de plus mais il suffit ensuite d’adapter sa supply chain.

BSC : Quelles autres actions ont été déployées ?

S. B. : Le troisième volet sur lequel nous avons travaillé, c’est l’ « achat responsable » au travers de l’appel d’offre Transport lancé au printemps pour la distribution France. Nous allons progressivement passer de 6% de distribution « verte » en France à 56% à horizon 2 ans, avec une montée en charge importante dès février 2021.

BSC : Votre engagement dans Fret21 a-t-il modifié votre façon d’acheter du transport ?

S. B. : Clairement. Dans le cadre de l’appel d’offre du printemps, nous avions trois briques au même niveau : le prix, le service et l’environnement. Les retours des transporteurs sur le critère économique et en termes de service étaient très bons. Par contre, ils étaient passés à côté de l’aspect environnemental. Nous avons dû rallonger la période du deuxième tour de l’appel d’offre pour qu’ils revoient leurs copies. Entre les deux tours, ça n’a pas été que sympathique puisqu’il a fallu taper du poing sur la table pour se faire entendre. Mais le mouvement est parti. Certains transporteurs ont compris depuis longtemps cette évolution et les autres perçoivent qu’ils vont devoir bouger s’ils veulent rester dans le coup. C’est à ce moment-là que l’industriel doit avoir un rôle moteur vis-à-vis de ses transporteurs.

BSC : Au final, quel objectif s’est fixé Yves Rocher en matière de réduction de ses émissions de CO2 ?

S. B. : Le groupe vise une réduction à trois ans de 6% des émissions de gaz à effet de serre liées au transport de ses marchandises. Notre engagement dans Fret21 n’est pour le moment pas très ambitieux pour deux raisons. Premièrement, j’aime bien réussir ! Ensuite, j’ai signé l’engagement au démarrage de nos réflexions. Nous avons évidemment des objectifs beaucoup plus ambitieux. A la fin de l’année, je pense que nous allons nous fixer d’autres objectifs. La démarche est enclenchée avec les transporteurs, et je suis sûr que nous allons largement dépasser nos objectifs.