Publié le 2 août 2021
A l’occasion de son colloque « Nouveau consommateur, nouvelles supply chains » en avril dernier, Bretagne Supply Chain recevait Yannick Nadesan, conseiller métropolitain, délégué à l’agriculture et à l’alimentation de Rennes Métropole. L’occasion d’évoquer l’année si particulière que nous avons traversé et les projets de la métropole rennaise pour alimenter le territoire.
Bretagne Supply Chain : Votre délégation comprend l’agriculture, l’alimentation, le gaspillage alimentaire…
Yannick Nadesan : On vit un virage incroyable ! Dans notre région Bretagne, nous sommes particulièrement concernés car nous sommes la première région agricole de France. Sur Rennes Métropole, nous sommes, d’une certaine manière, encore plus concernés parce que nous sommes à la fois un territoire agricole et un territoire de consommation alimentaire. Ce qui est formidable, c’est que l’on est dans un moment qui, je crois, doit être considéré comme positif. Ce sont des remises en causes terribles ! Mais, si l’on ne prend pas le virage, il sera pris par d’autres.
Nous souhaitons rester une terre agricole, une terre de production, et de production de valeurs économiques. Mais nous savons que nous sommes à côté des objectifs écologiques et sociaux si l’on ne revoit pas les choses. Nous le voyons dans les études que nous avons menées : l’attente principale des consommateurs, ce n’est pas l’agriculture biologique: c’est le local.
Relations fortes entre les acteurs locaux et les élus
BSC : Il y a eu une explosion du circuit court ces derniers mois. Est-ce que les producteurs locaux sont venus vous voir pour que vous les aidiez ?
Y.N. : Il y a une grande histoire entre le monde agricole et la Ville de Rennes, qui s’est tissée à travers l’eau. Sur le territoire, nous ne prenons pas l’eau dans la Vilaine ou en milieu urbain, mais en milieu agricole. Depuis les années 80, nous sommes en relation avec le monde agricole sur les questions de production agricole et de préservation de l’eau. Cela nous a amené à développer le programme « Terres de Sources », pour faire en sorte que l’on ait, à la fois, une valorisation économique de l’agriculture et une protection de l’eau.
Cette valorisation de la production locale, nous le faisons à travers les cantines scolaires (c’est un levier direct que nous avons, nous les communes) mais aussi avec les magasins, de la supérette à l’hypermarché, du magasin militant au magasin conventionnel. La vente directe est un marché extrêmement important. Il faut que nous le soutenions, comme les magasins de producteurs Brin d’Herbes ou Doux arômes.
Dans le même temps, si l’on se consacre seulement sur la vente directe, nous risquons d’aller dans une forme d’ « élitisme ». Élitisme du côté des agriculteurs parce que seuls ceux qui ont un bon produit fini ou ceux qui sont capables de faire de la transformation s’en sortiront. Et élitisme du côté des consommateurs. Notre sujet, c’est de démocratiser le bien manger local.
La création du label Terre de Sources
BSC : Terres de sources sait optimiser les tournées de lait…
Y.N. : Terre de sources, c’est aussi un label pour que le consommateur puisse se repérer. Nous sommes un territoire de production laitière. Or si l’on veut un lait « Terres de sources », il ne faut pas qu’il soit mélangé avec un lait non-labellisé. En concentrant les fermes qui produisent du lait « Terres de Sources », sur un territoire qui est regroupé, nous savons très bien que nous serons amenés à multiplier les tournées. Et nous serons dans une impasse économique, parce que soit nous n’aurons pas d’acteurs qui veulent répondre en face, soit nous serons sur un niveau de prix élevé.
Et là où ça devient intéressant, c’est que l’on peut avoir un dialogue productif entre les agriculteurs, les élus et tous les acteurs de la supply chain. L’intérêt de Terres de Sources, c’est justement de pouvoir participer au capital d’entreprises qui vont sur des sujets d’investissement spécifique, et, au final, de participer à cette transformation de l’agriculture locale.
BSC : Est-ce que le rôle d’un producteur de pommes de livrer les écoles des communes métropolitaines ?
Y.N. : C’est l’une des questions qui est posée. Le sujet, c’est celui de la « massification du local » en fin de compte. Parmi les agriculteurs, certains sont des entrepreneurs incroyables, à la fois agriculteurs, communicants, transporteurs, transformateurs et vendeurs. Mais nous ne pouvons pas demander cela à tout le monde. Plus nous serons dans la massification du local, plus nous aurons l’opportunité de nous ouvrir à d’autres agriculteurs qui n’ont pas ce profil, mais qui souhaitent évoluer. C’est là où tous les acteurs économiques de la distribution, du transport, du stockage ont leur place dans ce dialogue avec les agriculteurs locaux et les collectivités pour faire en sorte que cela réussisse. C’est l’attente de nos habitants, c’est l’attente de nos consommateurs.
« Nous sommes le pays de la galette ! »
BSC : Vous multipliez les expériences avec le label Terres de Source sur Rennes Métropole. Il y a l’exemple du blé meunier pour lequel vous avez un circuit « vert » toute l’année.
Y.N. : C’est la première année où nous aurons les filières complètes. Ce n’est plus seulement l’agriculteur seul, qui est en lien avec nous pour la cantine ou un magasin. Désormais, c’est un collectif d’agriculteurs, de transformateurs et des lieux de distribution. Nous aurons à la rentrée du pain et des galettes réalisés à base de 255 tonnes de farine de blé meunier. Des galettes produites et transformées sur le territoire et vendues notamment dans le réseau des artisans boulangers. Egalement, nous aurons 40 tonnes de galettes de sarrasin.
Nous sommes dans le pays de la galette ! Et pourtant plus de 80% importe le sarrasin. Il se trouve que le sarrasin fait partie de ces cultures qui ont un véritable intérêt écologique et qui rejoint la trajectoire « zéro pesticide de synthèse » de Rennes Métropole. C’est aussi le sujet de la transformation des filières, de la diversification agricole… Tout cela crée de nouveaux marchés pour tous les acteurs.
BSC : Cela veut dire que le territoire de Rennes Métropole s’approvisionnera différemment et que les chaînes logistiques doivent se réinventer ?
Y.N. : C’est déjà en cours. Si l’on prend le deuxième marché « Terres de sources », nous étions sur une vingtaine de communes. L’année prochaine, ce sont une quarantaine de communes qui seront concernées. L’approvisionnement est déjà réalisé en local, et il le sera toujours plus.
Objectif 100% locale dans les cantines rennaises
BSC : L’ « anti-gaspi » est aussi au cœur de votre délégation…
Y.N. : Il y a un beau travail qui a été fait dans le précédent mandat sur les cantines rennaises. On a eu des gains très importants en termes de gaspillage. Ce qui est efficace, ce n’est pas de faire la morale aux enfants mais d’être sur le plaisir de manger. Ce sont les enfants qui choisissent les quantités qu’ils veulent dans leurs assiettes. L’idée n’est pas de faire des économies, mais au contraire de faire en sorte que les économies réalisées puissent être réinjectées pour de la meilleure qualité et du local. Nous sommes désormais à plus de 40% d’alimentation locale et durable dans les cantines rennaises, dont 30% de biologique. Nous devons être à 100% à la fin du mandat.
BSC : Quels sont les futurs projets que souhaitez mettre en avant ?
Y.N. : Cette année, nous organiserons des moments de concertation importants qui mêleront consommateurs, habitants, agriculteurs et acteurs économiques. Nous sommes le premier chantier « Fabrique Citoyenne » de Rennes Métropole pour l’objectif « Zéro pesticide de synthèse ». Cela devrait conduire à des décisions très fortes, annoncées en fin d’année. Par ailleurs, au mois de septembre, nous accueillons le congrès mondial de l’agriculture biologique.