Publié le 16 juin 2022
L’évolution des filières économiques va avoir un impact sur l’emploi en supply chain et sur les compétences indispensables des professionnels. Pour la première fois, l’AFT et France Logistique ont étudié comment devront évoluer les métiers de la supply chain pour répondre aux enjeux futurs des différents secteurs économiques. Une évolution qui impactera, positivement ou négativement, le territoire breton. Revue de détail.
La démarche prospective de France Logistique, menée avec l’AFT, s’est attachée à construire une vision partagée de l’évolution des besoins en termes d’emploi et de compétences. Ils ont associé un large panel d’acteurs de la filière logistique et notamment des adhérents de Bretagne Supply Chain. L’enjeu de ces travaux était d’éclairer le futur pour prendre, d’ores et déjà, les meilleures décisions, collectives et individuelles.
Le rapport porte une attention particulière à l’identification des compétences qui permettront de répondre aux mutations qui traversent les filières clientes des prestataires de transport et logistique. Il s’agit aussi pour l’AFT d’identifier les compétences susceptibles d’accompagner activement les objectifs de performance intrinsèque de la filière :
- amélioration de la performance logistique,
- modernisation des entrepôts et des véhicules,
- développement des technologies de l’information appliquées aux marchandises et à leur sécurisation,
- meilleure gestion des flux,
- utilisation de modes massifiés,
- amélioration de la performance sociale…
Ils ont mené deux actions : l’analyse des documentations stratégiques et prospectives des branches et des filières clientes et l’organisation d’entretiens et de groupes de travail. De ce travail, il en résulte une vision croisée des évolutions attendues de l’emploi dans le transport et la logistique.
Réorienter les emplois de la supply chain pour répondre aux reconfigurations des systèmes productifs
Les produits manufacturés représentent aujourd’hui 40% des tonnes kilomètres du transport intérieur. Le secteur industriel est au cœur d’enjeux de transition écologique, de souveraineté et de compétitivité de l’économie nationale. De ces enjeux découlent un panel de risques et opportunités pour les emplois du transport et de la logistique associés.
Plus que d’autres secteurs, celui de l’automobile doit faire face à de profondes mutations. Ces dernières sont en lien avec la concurrence internationale, le développement de nouvelles motorisations et pratiques de mobilité conduisant à des flux de transport liés orientés à la baisse. Cependant, l’électromobilité génère aussi la circulation de nouvelles matières dangereuses (qui nécessiteront des prises en charge particulières). L’AFT estime que la Bretagne pourrait être impactée négativement en termes de transport et de logistique dédiée à la filière auto.
Le verdissement de l’économie conduit d’autres secteurs vers une transition rapide, comme l’aéronautique et la chimie (croissance de la chimie du végétal). Cette dernière étant aussi confrontée à un renforcement des contraintes règlementaires qui pousse à l’externalisation des prestations d’entreposage, la séparation des stocks, et de nouvelles consignes de sécurité pour le personnel. Dans le secteur pharmaceutique, le médicament biologique occupe une place de plus en plus importante. Ce secteur requiert une supply chain renouvelée par les exigences de conservation et la personnalisation de ces médicaments d’un nouveau type. La croissance des énergies renouvelables, et en particulier l’éolien, pourrait créer de nouvelles opportunités pour le transport exceptionnel.
Evoluer pour faire face aux bouleversements de l’agri / agro
Plus de 40% des tonnes.kilomètres transportées par voie terrestre sur le territoire national concernent des produits agricoles et agroalimentaires. Le secteur de l’agriculture est bouleversé par le dérèglement climatique et de nouvelles tendances alimentaires (locavores, protéines végétales…). Pourrait s’ensuivre une reconfiguration des zones de production, des spécialisations et des pratiques agricoles qui recomposerait, en retour, les flux et la nature des besoins en transport.
Les évolutions du secteur de la pêche (Brexit, industrialisation des flottes, politique de gestion des ressources halieutiques, aquaculture) sont également susceptibles de réorganiser profondément la supply chain de la filière. C’est une des filières identifiées comme à risque négatif pour le territoire breton. A contrario, le développement de biomatériaux dans la construction ou de la biomasse en énergie est favorable à l’accroissement des transports de bois et produits dérivés.
Le bâtiment et la distribution, secteurs porteurs
Les fondamentaux démographiques (croissance et vieillissement de la population) maintiennent et maintiendront une forte demande en logements neufs et donc en flux de matériaux de construction (18% des tonnes.kilomètres totales). Tandis que l’augmentation des travaux de rénovation (notamment énergétique), et les nouvelles méthodes de production du secteur (fabrication en usine puis assemblage sur site, circularisation des bâtiments, collaboration des intervenants via des processus dématérialisés de gestion de données BIM) changent le marché transport et logistique.
La logistique de distribution se transforme, elle aussi. Elle passe du modèle du seul magasin physique vers le « phygital », avec un repositionnement des entrepôts et l’essor de la cyclo-logistique. Enfin, de forts développements sont promis à la logistique inverse.
Réinventer les compétences en transport-logistique au regard de ces défis
En 2030, l’AFT et France Logistique estiment que 1,8 millions de salariés, soit une augmentation de 20%, exerceront une profession spécifique au transport de fret et à la logistique. 56% seraient associés aux activités d’entreposage et manutention, 32% dans la conduite de véhicules, 8% en exploitation transport et administration des ventes et 4% en encadrement.
Pour l’AFT, l’ensemble des métiers de la supply chain vont connaître des évolutions fortes et les compétences associées vont devoir suivre. Ainsi, le nombre d’opérateurs logistiques devrait croître, en dépit de l’accélération des cadences, qui nécessitera une forte capacité d’adaptation. La flexibilité des opérateurs deviendra déterminante, pour gérer davantage de tâches et s’approprier une organisation évolutive en lien avec l’automatisation grandissante. L’attention aux détails sera de plus en plus critique, notamment pour améliorer la qualité, assurer la sécurité individuelle, superviser des machines.
Pour l’exploitation logistique, la prévision et la gestion des stocks en temps réel deviendront prépondérants, ce qui demandera davantage d’aisance dans la compréhension et l’utilisation des outils digitaux. Le sens du service va s’affirmer dans les années à venir pour rapprocher l’offre des besoins des clients : la logistique passe d’un rôle de support à la stratégie d’entreprise à celui d’acteur des stratégies commerciales.
Pour les études et méthodes, « entre performance exacerbée, coordination multi-acteurs, solutions de plus en plus complexes à implémenter dans des organisations en place, la dimension stratégique du poste prendra sa place au coeur des grands groupes, mais mobilisera des capacités d’analyse plus élevées, tenant compte de plusieurs types d’informations et de facteurs externes. La proactivité deviendra une compétence de plus en plus reconnue dans la capacité à anticiper les scénarios complexes face à des crises à répétition ».
Le défi de la transmission des données
Les métiers de la conduite devraient bénéficier, eux, d’une augmentation des effectifs salariés tant que l’automatisation ne les « disruptera » pas. Leurs tâches feront l’objet d’une transformation du fait de l’adaptation aux aides à la conduite, aux énergies renouvelables et d’une démarche plus commerciale. Dans le prolongement de l’acte de vente, on attendra du conducteur qu’il possède davantage de compétences relationnelles, et des aptitudes en termes de communication.
Le défi principal des métiers de l’exploitation transport réside dans l’évolution de la transmission des données sur l’ensemble de la chaîne, du donneur d’ordre au client final. L’interconnexion des systèmes d’information est également un défi. Il est nécessaire de former dès à présent à l’échange de données informatisées. Aussi, les compétences managériales deviendront cruciales pour accompagner au changement l’ensemble des conducteurs, dans un mode de relation plus collaboratif.
Enfin, pour les systèmes d’information, il sera nécessaire à la fois de former les métiers du transport et de la logistique à la digitalisation pour qu’ils soient force de propositions dans la création et l’amélioration continue des outils. Mais aussi d’acculturer les profils SI à la logistique. Ceux-ci devront en effet savoir repérer et prélever les informations nécessaires pour paramétrer et faire évoluer les solutions informatiques utilisées. Ils devront également faire preuve de pédagogie pour une meilleure appropriation et adhésion de l’ensemble des équipes.