Publié le 20 juin 2023
ACT’supply, c’est le projet porté par Bretagne Supply Chain pour améliorer les conditions de travail par l’analyse des exigences clients et des contraintes fournisseurs. Nous avons nommé ces impacts les « causes externes ». Depuis mars dernier, deux ergonomes analysent les situations de travail dans les huit entreprises participantes sur leurs métiers supply chain, logistique, transport. Dans cette interview, il et elle s’accordent à dire que ce projet est un véritable challenge.
ACT’supply est un projet collaboratif innovant qui regroupe 8 entreprises pionnières, des contrôleurs et contrôleuses CARSAT, des partenaires financiers FACT / ANACT et DREETS Bretagne et un cabinet de conseil en ergonomie : Ergotec.
Les ergonomes interviennent sur 2 types de missions : la prévention des risques lors de projets d’investissements et de transformation, et l’amélioration des conditions de travail.
Nous avons interrogé Aude LADAM et Samuel LEGAL, les deux ergonomes mobilisés sur le projet ACT’supply, pour échanger sur leur vision du projet.
Pour eux, cette démarche est un véritable challenge, tant dans la demande que dans l’analyse ergonomique.
Bretagne Supply Chain : Quelle est la mission d’un ou d’une ergonome ?
Aude LADAM : Un.e ergonome est en charge de toute l’étude des situations de travail.
- Cela commence tout d’abord par une phase de diagnostic de ces situations de travail.
- Ensuite il faut mettre en évidence les situations qui marchent bien et celles qu’il faut améliorer.
- En parallèle, tout est validé avec les opérateurs et les opératrices sur le terrain, car ils et elles sont toujours mieux placés pour trouver ce qui peut améliorer leurs situations.
- L’entreprise reçoit alors une restitution et nous entamons la recherche de solutions. Cette recherche de solutions concerne l’interne : du nouveau matériel, une organisation différente voire de nouveaux plans.
- Pour les trouver, on réalise des simulations en situation réelle ou sur plans.
- Enfin, on débouche sur un plan d’actions avec l’entreprise et parfois on met en place un bilan et un suivi après la réalisation du plan d’actions.
Samuel LEGAL : Pendant la première phase de diagnostic, on va retrouver les observations du travail, les échanges avec les personnes qui travaillent (sous forme d’entretiens) et l’analyse des données qui existent. Ces données peuvent être des données de production, d’accidentologie ou encore des données que nous avons récoltées sur le terrain lors des observations.
BSC : Qu’est-ce qui vous a intéressés dans le projet ACT’supply ?
A.L : Ce qui m’a interpellée, c’est cette question d’aller travailler sur les causes externes à l’entreprise qui ont un impact sur les conditions de travail de l’entreprise et des salariés.
En faisant des interventions dans des entreprises de transport ou de distribution, je me suis rendue compte que lors de la mise en évidence des causes qui ont un impact, je recevais la réponse : « Pour ça, nous ne sommes pas maîtres de la situations, c’est le client » ou « c’est le fournisseur », « c’est le sous-traitant ». Nous ne pouvons pas agir dessus et nous sommes alors limités dans nos plans d’actions.
J’ai trouvé cela intéressant de pouvoir essayer d’avoir une action sur ces causes externes et d’avancer sur ce sujet. Nous avons envie de faire notre part dans l’évolution de cette vision de la supply chain.
S.L : Je rejoins Aude, nous avons rencontré les mêmes difficultés elle et moi. De plus, une autre partie que j’ai apprécié pour ma part, c’est l’action collective. Qui dit action collective, dit plus d’idées de solutions, des entreprises qui partagent leurs réussites et leurs difficultés. Il y a certainement des bonnes idées dans certaines entreprises qui vont profiter à d’autres.
Quand on en a su un peu plus sur les entreprises qui participeraient au projet, cela m’a bien plu également. C’est une représentation de la supply chain qui est variée en entreprises, tant en termes d’activités que de tailles.
BSC : Quelle approche faites-vous de ce caractère innovant du projet ?
S.L : De manière générale, c’est une forme de défi pour nous de réussir ce projet-là. Parce que ça nécessite de réaliser des analyses vraiment sur-mesure par rapport à la question qui se pose ici et à l’objectif. On est sur un projet qui sort de l’ordinaire, et la finalité nous paraît très juste.
La démarche entière est également nouvelle. Dans ACT’supply, on travaille à répondre à une question posée par le projet, alors que d’habitude nous suivons la demande d’une entreprise pour les aider à résoudre un problème précis
Aude LADAM, ergonome en charge du projet ACT’supply
A.L : Ici, c’est innovant car les entreprises deviennent plutôt des terrains d’étude qui vont nous permettre de répondre à une question bien plus macro par rapport aux problématiques des entreprises. On va nommer les causes externes et c’est déjà innovant à mon sens.
Une difficulté en revanche va être de répondre concrètement sur des éléments qui ne sont pas concrets : dans l’analyse des causes externes, pleins d’éléments vont sortir des cases.
Nous n’allons pas toujours pouvoir parler des causes externes ou internes mais plutôt des liens qu’il y a entre toutes ces causes. Cela va être complexe, et il y aura probablement des choix à prendre ou des simplifications à faire pour avancer.
BSC : Cela fait déjà 3 mois que le projet a commencé, comment voyez-vous la suite ?
A.L : Nous avons passé une première phase en sous-marin jusqu’à présent, sans trop d’éléments concrets. Mais la suite annonce beaucoup d’interventions terrain, beaucoup d’interactions et de données à traiter.
Nous nous attendons à un gros challenge de synthèse et de mise en forme pour que tout ça soit digeste pour tout le monde.
Et pour le moment, je trouve que toutes les personnes avec lesquelles nous avons travaillées sont impliquées et motivées. Cela nous donne une pression pour bien faire et répondre à ces attentes !
J’attends avec impatience la phase suivante, quand tout le travail d’analyse sera fait : comment tous les acteurs vont s’en emparer pour en ressortir des outils ?
S.L : Les choses se travaillent à 2 niveaux : un travail avec chaque entreprise et un travail de synergie et de partage, pour aboutir sur des nouveaux éléments utiles. C’est vrai qu’à ce stade nous sommes focalisés sur le premier niveau, entreprise par entreprise, sur le terrain. Comme Aude, je vois à court terme pas mal d’analyses.
En nous reposant la même question dans 3 mois, nous n’aurons pas la même réponse !