Publié le 13 août 2021
A l’occasion de son colloque « Nouveau consommateur, nouvelles supply chains » en avril dernier, Bretagne Supply Chain recevait Olivier Sinquin, directeur général de la SICA. L’occasion d’évoquer avec lui l’année si particulière que nous avons traversé et les projets de la coopérative pour répondre aux attentes du nouveau consommateur.
Bretagne Supply Chain : La SICA a fêté ses 60 ans cette année. Pouvez-vous nous
Olivier Sinquin : La SICA de Saint-Pol fête effectivement ses 60 ans dans une configuration assez particulière. Nous sommes une coopérative agricole dans les secteurs du légume et de l’horticulture. Nous travaillons à 60% à l’export, voire 70% pour certains produits.
BSC : Comment une coopérative telle que la SICA s’adapte au nouveau consommateur ?
O.S. : Nous sommes conscients qu’il n’y a pas UN consommateur, mais DES consommateurs partout en Europe, en France, en local. Si le Finistère est loin de l’Europe, nous nous devons de nous structurer pour mieux livrer et mieux accompagner les attentes du consommateur, attentes qui ont fortement évolué en quelques mois. C’est à nous de nous adapter et je suis ravi que, depuis quelques semaines, nous puissions travailler dans un nouvel environnement. Nous venons en effet d’ouvrir une plateforme de 70.000m2 [Vilar Gren, ndlr] qui nous permettra de mieux servir le consommateur européen.
BSC : Qu’est-ce que le nouveau site de Vilar Gren a changé pour la SICA ?
O.S. : Nous avions jusqu’à présent une vingtaine de sites de collecte et lorsque nous avons démarré, juste avant le confinement, des partenariats avec Amazon, Gourming, Le Duff ou d’autres opérateurs, il nous fallait faire du picking dans différentes stations de collecte. Aujourd’hui, le fait d’avoir un seul site, frais et ultra frais, nous a permis d’offrir au consommateur quelque chose de beaucoup plus affiné. Même si nous sommes en phase de développement, c’est une vraie réussite. Aujourd’hui, nous pouvons offrir à nos consommateurs tout ce qu’il y a de plus frais, de plus original, avec une vraie traçabilité. Grâce à cette plateforme, nous réussirons vraiment à répondre aux attentes des consommateurs bretons, français et européens, et même en local car nous avons ouvert des points de ventes en circuit court.
BSC : Dans le Finistère, on n’est pas très loin de l’Angleterre et on regarde parfois les idées et les modes de vies innovants de nos voisins. Ça a été le point de départ de votre projet Smart’City avec l’entreprise Niji.
O.S. : Nos amis anglais sont en effet assez innovants. Ils ont été quasiment les premiers, au niveau européen, à interdire les véhicules dans les centres-villes. La taxation de la ville de Londres était de longue date très innovante. Les distributeurs anglais comme Tesco ou Selfway nous ont montré une exigence accrue en matière de sécurité alimentaire et de traçabilité. A la lecture de ce qui se passe chez nos amis anglais, nous avons lancé un programme qui s’appelle Smart’City pour répondre à la question : comment atteindre le consommateur de demain, à son domicile ou dans son entreprise ?
Un travail sur la Smart City
Nous avons également sous-traité cette veille très structurante, qui doit nous permettre de développer une stratégie pour atteindre le nouveau consommateur de demain. 70% de la population mondiale sera urbaine. Il y aura un vrai sujet pour livrer et faire consommer des produits locaux. Il y aura un vrai gap entre le monde agricole et le consommateur. C’est un vrai challenge. Aujourd’hui, on le construit grâce à des salons, de la veille ou encore le projet Vilar Gren. La nouvelle plateforme fait partie de cette dynamique. Il y a une vraie dynamique au niveau de la SICA pour travailler sur la Smart City. C’est extrêmement enrichissant. C’est une opportunité pour nous, coopérative agricole, de travailler sur cet environnement.
BSC : Vous faîtes donc des tests pour envoyer des choux-fleurs par Amazon ?
O.S. : Je n’ai pas de jugements de valeurs sur l’entreprise. Nous considérons aujourd’hui que tous les circuits de distribution sont importants (grande distribution, restauration collective, circuit court…) Nous avons même modifié nos statuts de coopérative pour pouvoir le faire. Alors pourquoi pas Amazon ? Nous avions commencé avec l’horticulture et nous sommes passé d’une centaine de colis hebdomadaires à 1.500, avec un pic à 5.000.
Aujourd’hui, nous livrons des paniers Amazon avec une logistique spécifique car ce sont des petits fourgons avec du frais et la chaîne du froid ne peut pas être rompue. C’est très enrichissant. Cela nous permet d’avoir un retour consommateur direct, sans écran, et donc de nous faire progresser collectivement sur les différentes attentes. Chaque maillon ayant un intérêt, il est intéressant d’aller jusqu’au consommateur final pour connaître sa perception sur les produits.
BSC : Vous imaginez les nouveaux modes de consommation futurs mais il y a une chose indéniable depuis quelques mois : le local est revenu en force.
O.S. : Dans notre marque, nous avons l’origine « Bretagne » et nous en sommes très fiers. C’est vrai qu’aujourd’hui le local revient en force et c’est tant mieux car cela rassure le consommateur. L’aspect sanitaire a aussi été renforcé. Qui dit sanitaire, dit traçabilité, sécurité alimentaire, et derrière une marque, il y a une vraie promesse. Je crois que l’on a la chance en Bretagne d’avoir un secteur agro-alimentaire extrêmement dense avec de très belles marques et entreprises. Le local continuera de progresser. Nous y travaillons à travers les casiers réfrigérés, le circuit-court, le click & collect… Grâce aux innovations de Delta Dore, on pourra demain aller livrer à domicile avec des clés intelligentes partagées. Il est de notre ressort de travailler sur tous ces circuits. Nous sommes convaincus et attachés à cette origine, à cette traçabilité du circuit-court et de la proximité avec le consommateur quel qu’il soit.
BSC : C’est une période qui vous a appris à être agiles ?
O.S. : Dans les légumes frais, cette agilité est essentielle pour nous. Je crois que les transporteurs le savent. Le produit est récolté le matin, il est reçu dans une plateforme et doit partir à un créneau horaire précis. On est en circuit très court et en agilité totale. Nos transporteurs sont de réels partenaires et le challenge est vraiment au niveau de la supply chain. C’est pour ça que c’est extrêmement intéressant et enrichissant de partager les expériences. C’est collectivement, aujourd’hui, que l’on arrivera à rassurer les consommateurs et à en conquérir de nouveaux.
BSC : Est-ce que le flux hyper tendu à encore de l’avenir dans la supply-chain alimentaire ou est-ce que les enjeux RSE remettront en cause ce paradigme ?
O.S. : Nous sommes peut-être atypiques car nos produits sont conditionnés directement dans les exploitations. Chaque coup de frein coûte de l’argent. Dès que l’on stocke, c’est de l’énergie et du froid en plus. Tout cela renchérit le produit rendu à destination en France ou à l’étranger. Or, notre objectif c’est de rendre nos produits accessibles à tout le monde en termes de prix et de fraîcheur. Chaque rupture de charge décalera la fraicheur du produit, et donc la promesse. Je crois qu’il n’y a pas une solution et un modèle économique uniques. Il y aura différents circuits et peut-être une logistique très spécifique par typologie de produits.