Publié le 21 septembre 2021
Parue le 22 août dernier, la loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » va impacter tous les acteurs des chaînes logistiques. Tour d’horizon…
Une accélération attendue des tendances de consommation
La loi prévoit une série de mesures pour accompagner le développement des nouvelles tendances de consommation.
Ainsi, un affichage environnemental devra être mis en œuvre sur certains produits. Objectif : apporter au consommateur une information sur les impacts environnementaux (émissions de gaz à effet de serre, atteintes à la biodiversité, consommation d’eau…) et sociaux d’un bien ou d’un service sur l’ensemble de son cycle de vie. Cet « écoscore » vise à favoriser l’achat des produits dont l’impact sur l’environnement est le plus faible et à encourager les entreprises à fabriquer leurs produits de la manière la plus écologique possible. Des expérimentations dans les secteurs du textile d’habillement, des produits alimentaires, de l’ameublement, de l’hôtellerie et des produits électroniques débuteront d’ici début 2022. A l’issue de ces expérimentations, l’affichage environnemental sera rendu obligatoire. Un décret viendra fixer la liste des biens et des services concernés.
Autre mode de consommation valorisé : le vrac. D’ici le 1er janvier 2030, tous les commerces de vente au détail de plus de 400 m2 devront consacrer à la vente de produits présentés sans emballage primaire, y compris la vente en vrac, soit au moins 20% de leur surface de vente ou équivalent (20% du nombre de références ou du chiffre d’affaires).
Les services de restauration collective proposant de la vente à emporter devront, elles, à compter du 1er janvier 2025, proposer au consommateur d’être servi dans un contenant réutilisable ou composé de matières recyclables.
La loi entend aussi promouvoir la consigne. Elle pourra être mise en œuvre pour les emballages en verre « lorsque le bilan environnemental global est positif ». Ce dernier devra notamment tenir compte de la distance de transport parcourue par les emballages pour être réemployés.
Enfin, côté pièces détachées, les fabricants et importateurs d’équipements électroménagers, de petits équipements informatiques et de télécommunications, d’écrans, d’outils de bricolage, d’articles de sport et de loisirs, de vélos et d’engins de déplacement personnel motorisés devront, à partir du 1er janvier 2023, assurer la disponibilité des pièces détachées pendant 5 ans après la fin de la commercialisation des produits. Jusqu’ici cette obligation n’était obligatoire qu’au secteur automobile et allait être étendue, à partir du 1er janvier 2022, aux secteurs de l’électroménager, de l’informatique, des écrans et moniteurs et du matériel médical.
Vers une planification territoriale de la transition énergétique
Des objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables seront bientôt définis, après concertation avec les conseils régionaux concernés. Dans chaque région, un « comité régional de l’énergie » sera ainsi chargé de favoriser la concertation, en particulier avec les collectivités territoriales, sur les questions relatives à l’énergie au sein de la région. Cette « régionalisation » des objectifs doit permettre à la fois de donner de la visibilité aux porteurs de projets, de favoriser leur développement et de s’assurer que l’addition des objectifs régionaux permet bien d’atteindre l’objectif national.
Accélération des solutions d’avitaillement en énergies alternatives
Pour accompagner le développement des énergies alternatives dans le secteur des transports, la loi vise à l’accélération des stations d’avitaillement. Elle prévoit ainsi notamment l’amplification du déploiement des bornes de recharge électrique rapide sur voies express et autoroutes avec la poursuite de la prise en charge des coûts de raccordement à 75% jusqu’à 2025. Les bornes de recharge ouvertes au public seront aussi déployées de manière obligatoire dans les parkings publics.
Vers la fin des véhicules à énergie fossile
La loi d’orientation des mobilités avait déjà acté la fin de vente des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers neufs utilisant des énergies fossiles d’ici 2040. La loi « Climat & Résilience » vient renforcer cet objectif. Ainsi, d’ici le 1er janvier 2030, la loi entend interdire la vente des voitures particulières neuves émettant plus de 95 grammes de CO2 par kilomètre.
Par ailleurs, alors qu’ils étaient épargnés jusqu’ici, les poids lourds entrent dans la même dynamique. D’ici 2040, a été actée la fin de la vente des véhicules lourds neufs affectés au transport de personnes ou de marchandises et utilisant majoritairement des énergies fossiles.
Des transporteurs mis à contribution…
La loi prévoit des mesures, tant au niveau national que local, afin d’optimiser le transport routier de marchandises et réduire ses émissions. Pour réussir cette transition énergétique, les transporteurs et gestionnaires de flotte sont appelés à accélérer.
Ainsi, les entreprises qui gèrent un parc de plus de cent véhicules automobiles de moins de 3,5 tonnes de PTAC doivent déjà acquérir, lors du renouvellement annuel de leur parc, des véhicules à faibles émissions. La loi augmente la proportion de ces véhicules de 35 à 40% en 2027 et de 50 à 70% en 2030. Il en sera de même pour les entreprises gérant un parc de plus de cent cyclomoteurs et motocyclettes légères.
Les plateformes de livraison devront, elles, de leur côté, s’assurer qu’une part minimale, définie par décret, et croissante dans le temps, des véhicules à deux ou trois roues utilisés sont des vélos ou des véhicules à très faibles émissions. L’information du véhicule utilisé pour la livraison devra en outre être précisée au client.
L’avantage fiscal sur la TICPE sera progressivement supprimé d’ici 2030, « en tenant compte de la disponibilité de l’offre de véhicules et de réseaux d’avitaillement permettant le renouvellement du parc de poids lourds. Cette évolution s’accompagne d’un soutien renforcé à la transition énergétique du secteur du transport routier, notamment par le recours aux biocarburants dont le bilan énergétique et carbone est vertueux ». La loi impose aussi au gouvernement la rédaction d’un rapport sur les « modalités du soutien renforcé à la transition énergétique du secteur, notamment par le renouvellement des parcs de véhicules, leur transformation ou le recours aux énergies alternatives au gazole ». Une feuille de route sur le soutien financier accordée à la filière par la loi de finances est attendu en 2022. Accompagnement financier toujours, le dispositif de suramortissement pour les véhicules propres (GNV, bioGNV, ED95, électrique, hydrogène, B100) de plus de 2,6 tonnes, déjà prolongé jusqu’en 2024 dans le cadre de loi de finances 2021, est acté jusqu’en 2030.
Le texte donne aussi la possibilité aux régions qui subissent du report de trafic dû à une contribution instaurée dans un territoire limitrophe de mettre en place une contribution spécifique sur le transport routier de marchandises sur leur réseau routier dès 2024. Les péages pourront aussi être modulés en fonction du type de motorisation ou des émissions de CO2 pour tenir compte des différences de performances environnementales des poids lourds.
La formation professionnelle initiale et continue des conducteurs va aussi évoluer pour intégrer les questions environnementales, et l’éco-conduite. De la même manière, les salariés des entreprises possédant des flottes de plus de 100 véhicules devront aussi être formées ou sensibilisées pour réduire l’incidence de leur conduite sur l’environnement.
Depuis 2013, toute réalisation d’une prestation de transport doit faire l’objet d’une communication des émissions de CO2 associées vers le donneur d’ordre. Aucune sanction n’était prévue par la loi en cas de non-respect de cette obligation. La loi « Climat & Résilience » vient combler cette oubli : « tout manquement à l’obligation d’information relative à la quantité de gaz à effet de serre émise par le ou les modes de transport utilisés est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € ».
Enfin, les modes massifiés ont aussi fait l’objet des attentions de la loi, avec pour objectif de doubler la part modale du fret ferroviaire et d’augmenter de moitié le trafic fluvial dans le transport intérieur de marchandises d’ici 2030.
… les chargeurs aussi
Les transporteurs n’ayant pas toutes les clés en main, les chargeurs sont aussi visés par la loi. L’obligation de déclaration de performance extra-financière (DPEF), imposée aux grandes entreprises, n’intègrent pas aujourd’hui les émissions liées au transport amont et aval de leurs produits. Dès 2022, ce devra être le cas. Ainsi, pour les déclarations liées aux exercices comptables ouverts à compter du 1er juillet 2022, les informations « relatives aux conséquences sur le changement climatique devront comprendre les postes d’émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre liées aux activités de transport amont et aval de l’activité ». Les chargeurs devront aussi présenter un plan d’actions pour les réduire.
Enfin, d’ici 2022, le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport « sur les méthodes identifiées pour responsabiliser les donneurs d’ordre, tant sur le coût des premiers et derniers kilomètres que sur la transition énergétique et climatique de livraison de marchandises », et ce, « afin de remettre la chaîne logistique au cœur des politiques de mobilité des biens ».
Déploiement des ZFE
La loi impose désormais à l’ensemble des agglomérations de plus de 150.000 habitants, avant le 31 décembre 2024, l’obligation d’instaurer une zone à faibles émissions (ZFE). Lorsque les normes de qualité de l’air ne sont pas respectées dans ces zones de manière régulière, la loi précise que l’interdiction de circulation des véhicules particuliers sera effective :
- Pour les vignettes Crit’Air 5 au plus tard le 1er janvier 2023
- Pour les vignettes Crit’Air 4 au plus tard le 1er janvier 2024
- Pour les vignettes Crit’Air 3 au plus tard le 1er janvier 2025
La liste des communes incluses dans ces agglomérations sera validée par arrêté. Dans le Grand Ouest, les métropoles de Brest, Rennes, Nantes, Saint-Nazaire, Angers ou encore Le Mans sont particulièrement ciblées. A noter cependant, une dérogation à la mise en œuvre d’une ZFE peut être demandée par les collectivités si la qualité de l’air le permet ou si des actions alternatives efficaces sont déployées.
Pour accompagner cette mesure, la loi prévoit :
- l’expérimentation d’un prêt à taux zéro pour aider les ménages modestes vivant dans les ZFE à remplacer leur vieux véhicule
- le déploiement de voies réservées au covoiturage à l’abord des grandes villes
- l’élargissement de la prime à la conversion aux personnes souhaitant remplacer un vieux véhicule polluant par un vélo à assistance électrique et un bonus vélo pour l’acquisition de vélos-cargos.
Des entrepôts planifiés et producteurs d ‘énergie
Pour réduire l’artificialisation des sols, des « secteurs d’implantation privilégiés » pour les entrepôts seront définis au regard des besoins logistiques du territoire et des objectifs de division par deux du rythme d’artificialisation des sols. Les projets incompatibles avec ces objectifs pourront désormais être refusés par l’administration.
Autre mesure qui impactera les bâtiments : à partir du 1er juillet 2023, la loi prévoit l’obligation d’installation de panneaux photovoltaïques ou de toits végétalisés, lors de la construction, l’extension ou la rénovation lourde de tous les bâtiments à usage commercial, industriel ou artisanal de plus de 500m², y compris les entrepôts. La loi a par ailleurs élargi cette obligation aux constructions, extensions et rénovations lourdes des immeubles de bureau de plus de 1000m².