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Logistique des circuits courts : mutualiser pour optimiser

Publié le 19 juin 2020

Les circuits courts ont le vent en poupe et ont connu un regain d’intérêt durant la crise liée au Covid-19. Pénalisés par une logistique souvent peu optimisée, ils font l’objet de nombreuses innovations pour favoriser leur développement. Rencontre avec Nicolas Bonnet, créateur de Coclicaux, plateforme de mise en relations entre acteurs de l’alimentaire, permettant de favoriser le co-stockage et la co-livraison.

Bretagne Supply Chain : D’où vient l’idée de la création de Coclicaux ?

Nicolas Bonnet : Il y a quelques années, j’accompagnais une cuisine centrale qui déménageait du centre-ville de Brest vers la zone d’activité de Kergaradec. Le rez-de-chaussée du nouveau bâtiment n’était pas aménagé. Ce qui m’a paru intéressant, c’était de proposer aux professionnels producteurs à proximité d’organiser, dans cet espace, un co-stockage de leurs produits et d’utiliser ensuite la logistique de la cuisine centrale pour distribuer les produits. C’est comme ça qu’est née l’idée de Coclicaux il y a deux ans, avant la mise en ligne officielle de la plateforme au mois d’avril dernier.

B.S.C : Comment décririez-vous le service Coclicaux ?

Nicolas Bonnet, créateur de Coclicaux

N.B.: De par mon métier précédent [ndlr : chef de service Conseil Expertise Alimentaire chez LABOCEA], je me suis rendu compte qu’un certain nombre de professionnels de la restauration ne connaissaient pas les acteurs de l’alimentaire en capacité de les livrer près de chez eux, et, à l’inverse, qu’un certain nombre de professionnels de l’alimentaire ne savaient vers qui se diriger pour développer leurs débouchés. Quand j’assistais, par exemple, aux réunions autour des Projets Alimentaires de Territoire, j’étais frappé par la méconnaissance des professionnels du territoire entre eux.

D’un autre côté, pour les producteurs, livrer leurs produits représente un coût non négligeable, et beaucoup de commandes ne valent ainsi pas le coup. La conséquence : d’un côté, un producteur qui va être réticent à répondre à la demande, et, de l’autre, un professionnel de la restauration qui va se lasser et ne plus passer commande.

Coclicaux répond aux deux problématiques : la connaissance des producteurs et l’optimisation logistique, coût important pour les circuits courts.

La définition de Coclicaux, c’est « Co-livraison en un Clic entre acteurs loCAUX ». C’est un service de co-stockage et de co-livraison et une plateforme de mise en relation entre professionnels de l’alimentaire et de la restauration. La plateforme Coclicaux aide les professionnels de la restauration à localiser les producteurs à proximité. Elle aide les agriculteurs, producteurs, transformateurs et les petits artisans à améliorer leurs débouchés vers la restauration.

B.S.C : A qui s’adresse Coclicaux ?

N.B.: Coclicaux s’adresse en priorité aux maraîchers, aux agriculteurs, aux artisans des métiers de bouche, aux brasseurs, cidriculteurs et viticulteurs, aux professionnels de la restauration, collective, traditionnelle, à la petite épicerie…

B.S.C : Qu’apporte Coclicaux aux acteurs de la filière en termes de logistique ?

N.B.: Les acteurs impliqués ont des intérêts différents mais des objectifs communs : améliorer l’approvisionnement local et faciliter la logistique des circuits courts.

Pour les producteurs qui n’ont pas les moyens ou le temps de livrer tous leurs clients potentiels, la solution de co-stockage et de co-livraison permet de multiplier les débouchés pour leurs produits et de gagner du temps de travail. Au lieu de prendre leur véhicule et de livrer leurs marchandises, ils peuvent faire livrer par d’autres professionnels de l’alimentaire. En profitant d’un trajet déjà existant, ils vont aussi réduire leurs coûts. Ces producteurs ont aussi une meilleure visibilité et une vitrine gratuite grâce à la carte interactive proposée par Coclicaux.

Pour les professionnels de la restauration, travailler localement peut représenter des coûts plus importants. La co-livraison et le co-stockage permettent de limiter ces coûts mais aussi de réduire le nombre de réceptions de marchandises. L’objectif premier des professionnels de la restauration, c’est de préparer les repas. Multiplier le nombre de réceptions de marchandises peut être un frein à leur activité. Si l’on mutualise les livraisons, on réduit le nombre de réceptions et on facilite l’activité du professionnel. Accessible aussi pour ces professionnels, Coclicaux leur permet de connaitre les producteurs en mesure de les livrer.

Coclicaux n’est pas LA solution mais une des solutions qui est proposée pour optimiser la logistique des circuits courts, décriés généralement pour leur consommation énergétique.

B.S.C : Quelles sont les autres avantages du circuit court ?

N.B.: En restauration collective de manière générale, les professionnels ont oublié la production locale et ont favorisé les « gros faiseurs », notamment pour la praticité logistique, avec une seule réception de produits par semaine. Par contre, ils se sont rendu compte qu’ils payaient les denrées relativement chères. Autre phénomène observé : l’explosion du gaspillage alimentaire, pour partie parce que les chefs de cuisine se démobilisaient en travaillant des produits qui ne leur plaisaient pas et parce que les enfants notamment n’étaient pas convaincus par les produits qu’on leur proposait. Aujourd’hui, les professionnels de la restauration qui sont allés vers un approvisionnement local constatent que le prix n’est pas forcément plus élevé mais surtout observent une meilleure consommation. Et donc moins de gaspillage. Si l’on facilite la logistique des circuits courts, on va favoriser la qualité des produits consommés dans les restaurants scolaires, collèges, lycées, restaurants des EHPADS…

Enfin, un élément non négligeable quand on parle de co-livraisons, c’est bien évidemment la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les transporteurs optimisent leur logistique et peuvent avoir une consommation de carburant limitée à la tonne transportée. Ce n’est pas forcément le cas pour le petit producteur quand il se déplace pour livrer ses marchandises. Il y a une marge de progression importante sur le sujet pour les circuits courts. Le fait de mutualiser ses livraisons va logiquement avoir de fait un impact sur les émissions de gaz à effet de serre.

B.S.C : Comment voyez-vous le développement des circuits courts dans les prochaines années ?

N.B.: La loi EGALIM impose 50% de produits durables ou sous signes d’origine et de qualité (et dont 20% destinés aux produits bios) dans la restauration collective publique à partir du 1er janvier 2022. Elle ne parle pas de circuits courts.

D’une manière générale et plus encore avec la crise du Covid-19 que nous traversons, les collectivités souhaitent aujourd’hui davantage faire travailler l’économie locale. Certaines demandent à leurs équipes de restauration, non seulement de respecter l’obligation de 50% de produits durables et les 20% de bio, mais aussi de développer l’achat local. Elles y voient un intérêt économique, social mais aussi environnemental.

Les restaurateurs qui n’ont pas la contrainte de la commande publique peuvent aussi aller vers le local puisque la demande du consommateur est là. Le frein peut aujourd’hui être la question du coût logistique important des circuits courts. Si on limite ce coût logistique, cela va aider les restaurateurs à s’approvisionner localement sans forcément atteindre des montants de commande qui aujourd’hui leur font économiser des frais de port.

B.S.C : Quel est le modèle économique de Coclicaux ?

N.B.: Coclicaux prend une commission sur les transactions. L’accès à la plateforme est gratuit et sans engagement. Les professionnels qui recherche une co-livraison peuvent regarder sur Coclicaux si un autre professionnel peut livrer à sa place. Il en est de même pour le co-stockage. L’accès est libre aussi pour les professionnels de la restauration. Je précise aussi que la marchandise transportée est assurée par Coclicaux.

B.S.C : Comment est traitée la question des règles d’hygiène dans le cadre de la co-livraison ?

N.B.: Nous avons mis en place une charte de bonnes pratiques. Le transporteur et le professionnel qui fait transporter ses marchandises se voient chacun imposer des exigences en termes de respect des températures, de traçabilité ou de risques de contamination croisée. Ils s’engagent à les respecter. Pour limiter les risques, Coclicaux intègre aussi un système de notation, qui permet de noter les professionnels si la mission est mal réalisée.

B.S.C : La démarche intéresse-t-elle aussi les territoires ?

N.B.: Coclicaux représent un véritable intérêt si l’on parle de développement économique pour les professionnels du territoire. Et cela s’intègre aussi dans les démarches PCAET [Plan Climat Air Energie Territorial]. La co-livraison permet de limiter les déplacements et donc de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Pour les élus, les circuits courts permettent de favoriser économiquement les agriculteurs ou les artisans du territoire, de proposer aux enfants une alimentation saine, et de valoriser leur collectivité par la mise en avant de l’économie locale.

Il y a des beaux exemples en Bretagne. A Rennes par exemple, on observe une réelle volonté des équipes et des élus d’aller vers un approvisionnement local. Les chefs de cuisine ont aujourd’hui développé l’approvisionnement local, ont amélioré la qualité des denrées servies tout en réduisant le gaspillage alimentaire pour arriver à des coûts équivalents voire moindres.

B.S.C : Pourquoi les entreprises régionales, quelle que soit leur activité, devraient-elles s’intéresser aux circuits courts ?

N.B.: Cela peut être aujourd’hui un complément d’activité pour les acteurs de la logistique et du transport. Les professionnels peuvent ainsi compléter leurs livraisons, amortir leurs déplacements et limiter les véhicules sur la route. Certains transporteurs sont présents sur la plateforme et proposent déjà des trajets.

La plateforme Coclicaux