Publié le 19 mai 2021
Lobodis a rejoint la liste des chargeurs français engagés dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre de leur activité transport, au travers du dispositif Fret21. Rencontre avec Guillaume Brohan, Responsable Logistique de Lobodis, qui a piloté le projet en interne.
Bretagne Supply Chain : Pouvez-vous nous présenter l’activité de l’entreprise Lobodis ?
Guillaume Brohan : Lobodis torréfie et commercialise du café depuis 1988. Nous comptons aujourd’hui une trentaine de salariés et réalisons un peu plus de dix millions d’euros de chiffre d’affaires. Annuellement, nous transformons environ mille tonnes de café vert. Lobodis est spécialiste du café « pur origine » et nous sommes présents sur les marchés du café moulu et en grains, mais aussi sur les dosettes et capsules.
BSC : Quelle est l’organisation Transport aujourd’hui chez Lobodis.
GB : Les matières premières [le café vert, ndlr] arrivent en Europe par voie maritime. Au départ de notre site unique de Bain de Bretagne (35), Lobodis est amené à transporter des colis au travers du réseau Colissimo La Poste et fait aussi du transport par messagerie, du transport de palettes via un réseau ayant un maillage national et fait de l’affrètement, et ce pour livrer différentes typologies de clients. Chez Lobodis, nous retrouvons 2/3 des volumes commercialisés avec la GMS mais aussi de la distribution sur secteurs spécialisés et auprès d’associations, de collectivités et d’entreprise. Nous faisons également un peu d’export, du e-commerce et de la distribution vers le CHR et la CHD.
BSC : Quelles ont été les principales évolutions dans l’organisation transport de Lobodis ces dernières années ?
G.B. : Depuis 2014, nous mutualisons nos transports en nous appuyant sur le GIE [Groupement d’Intérêt Economique, ndlr] Chargeurs Pointe de Bretagne. Lobodis a été dans les premiers chargeurs engagés dans le GIE. Ce sont aujourd’hui quinze industriels chargeurs bretons qui se sont regroupés pour mutualiser leurs opérations de transport en direction de la GMS française. 46% de nos palettes sont transportées en transport mutualisé et nous livrons ainsi 60% de nos clients GMS.
En amont, en 2013, Lobodis avait réinternalisé ses activités logistiques et en 2018, nous avons effectué des travaux sur la plateforme logistique pour augmenter notre capacité de stockage.
Toutes ces évolutions passées ont permis de repenser nos schémas de flux vis-à-vis de nos clients.
BSC : Lobodis est engagée depuis son origine en matière de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) ?
G.B. : Tout à fait. La raison d’être de l’entreprise, définie en interne, est la suivante : « Torréfier des cafés haut-de-gamme, tracés, accessibles à tous, sources de plaisir et de convivialité. En construisant des filières durables et des partenariats avec des personnes en situation de handicap tout en cherchant à réduire notre empreinte environnementale, nous contribuons à la construction d’un avenir plus responsable, solidaire et inclusif ». Lobodis est inscrit dans une démarche responsable, « Act & Respect », qui engage chaque acteur de notre écosystème. Elle s’appuie sur cinq piliers fondateurs desquels découlent treize engagements. On retrouve notamment la lutte contre le réchauffement climatique, que ce soit sur notre territoire mais aussi sur les terroirs caféiers. Cette question est traitée notamment en limitant l’impact Carbone des transports liés à nos activités ou en optimisant la gestion de nos énergies.
BSC : L’activité Transport fait donc bien partie du scope de la démarche « Act & Respect » ?
G.B. : Tout à fait.
BSC : Pourquoi Lobodis a-t-elle décidé de s’engager dans le dispositif Fret21 ?
G.B. : Fret21 a permis de faire un focus sur le fonctionnement de l’activité logistique de Lobodis, de prendre un peu de recul sur ce que l’on faisait et de se questionner sur l’optimisation de nos flux et de nos process. On a fait un arrêt sur image pour analyser nos flux et identifier les solutions adaptées.
BSC : Sur quel périmètre vous êtes-vous engagés ?
G.B. : Nous nous sommes focalisés sur les flux routiers sur le territoire national. Nous avons volontairement exclu le flux maritime du périmètre d’engagement de Fret21. A horizon trois ans [durée de l’engagement Fret21, ndlr], nous estimons que les évolutions sur ce mode de transport ne seront pas assez concrètes. Il va falloir un peu plus de recul et de temps avant que l’on arrive à des solutions satisfaisantes. Nous étudions cependant la faisabilité de faire venir une partie de nos cafés avec des transports qui soient plus respectueux de l’environnement. Nous nous intéressons notamment au transport à la voile et à d’autres innovations.
BSC : Comment s’est déroulé opérationnellement votre engagement dans Fret21 ?
G.B. : Nous avons découpé nos flux en plusieurs activités pour les intégrer aux outils Fret21. Nous avons ainsi dissocié le transport amont, dédié au café vert, l’activité « navette » inter-ateliers et les activités de distribution aval, à la palette ou au colis. Au sein de chacune, nous avons déterminé un nombre de palettes ou de colis transportés, les tonnages associés et les kilomètres moyens parcourus. Cela nous a permis de calculer les émissions de gaz à effet de serre annuelles de nos activités transport, de construire, sur cette structuration, un plan d’actions et d’estimer les émissions de CO2 évitées par ces optimisations.
BSC : Quelles optimisations avez-vous décidé de déployer ?
G.B. : Suite à l’analyse de nos émissions de gaz à effet de serre, nous avons identifié quatre actions phares. La première consiste en la modification des cartons de conditionnement sur les segments « dosettes » et « 500g grains ». L’objectif de ces modifications est de positionner plus d’UVC dans un carton ou plus de colis sur une palette.
La deuxième action phare de notre engagement vise la modification du chargement de nos camions avec un double objectif : systématiser l’utilisation de double-remorques ou de double-planchers sur le flux routier « café vert » et rechercher une optimisation des cahiers des charges clients qui définissent le remplissage des camions.
La troisième action, c’est l’évolution de nos schémas de flux en supprimant les stockages intermédiaires sur la chaîne de livraison. Nous avons notamment aujourd’hui un de nos clients GMS pour lequel nous mettons à disposition nos produits sur des centres de consolidation multifournisseurs. Nous nous sommes rendu compte que ce schéma imposait des kilomètres et des points de stockage supplémentaires. L’évolution du schéma de flux envisagée est aujourd’hui permise par la généralisation de la mutualisation de nos transports par l’intermédiaire du GIE.
Enfin, nous allons référencer des prestataires transport chartés et labellisés « Objectif CO2 » dans le panel de transporteurs auxquels nous faisons appel. Avec un objectif : avoir plus de transports qui soient respectueux de l’environnement et qui se fassent à l’avenir en véhicule hybride, électrique, hydrogène ou au biocarburant.
BSC : Quel est l’objectif à trois ans en termes de réduction des émissions de CO2 ?
G.B. : Fret21 a mis en évidence une émission annuelle de 90 tonnes de CO2 liée au transport de nos produits. Par la mise en place de l’ensemble de ces actions, nous avons la volonté de réduire nos émissions de 9 tonnes sur 3 ans. Cela fait donc un objectif de réduction de 10%.
BSC : Fret21 peut-il avoir un impact sur les relations avec vos partenaires, qu’ils soient clients, fournisseurs ou prestataires ?
G.B. : Il y a une volonté d’avancer ensemble sur de nouvelles façons de faire pour réduire les impacts des transports. Nous essayons de sensibiliser à la fois nos prestataires, nos fournisseurs et nos clients. Nous allons solliciter nos prestataires transports pour avancer sur le développement des véhicules double-remorques ou double-planchers. A côté de cela, nos fournisseurs sont aussi impliqués, notamment notre fournisseur de cartons de conditionnement qui a sollicité son service R&D sur l’optimisation de nos conditionnements. A l’autre bout de la chaîne, nous allons sensibiliser nos clients sur ce que l’on fait et sur nos objectifs, notamment en leur proposant des optimisations des cahiers des charges logistiques, pour avoir leur accompagnement et leur engagement sur le projet.
BSC : Quel est l’accueil de l’engagement de Lobodis dans Fret21 auprès de vos partenaires ?
G.B. : Côté transporteurs, ce sont des partenaires qui sont à l’écoute lorsque nous évoquons le sujet. Côté client, nous sommes en train de construire la démarche d’information pour pouvoir faire évoluer les schémas de flux et les cahiers des charges.
BSC : Quels sont, pour vous, les intérêts de Fret21 ?
G.B. : Fret21 est un outil de pilotage. C’est une chose précieuse pour nous. Nous nous sommes appropriés la méthodologie qui permet de mesurer, à partir d’un point initial, l’impact de chaque action. C’est intéressant.
Fret21 nous a aussi permis de valoriser les évolutions organisationnelles et les acquisitions de nouvelles compétences de ces dernières années pour proposer des schémas de flux optimisés et concertés avec nos clients, notamment au travers du GIE.
D’un point de vue commercial, nous pensons que notre engagement va tendre vers une relation client améliorée. Nous évoquions la réduction du nombre d’intermédiaires entre le fournisseur et le client : c’est ce que nous allons chercher à faire en faisant évoluer nos schémas de flux. Nous devrions arriver à des relations plus directes, avec une meilleure maîtrise de nos flux. La démarche Fret21 est aussi commercialement un élément de différenciation potentiel.
En termes de management d’équipe, c’est aujourd’hui un exemple factuel des engagements de notre démarche sociétale « Act & Respect ». Au sein du pôle « Management de la chaîne logistique » chez Lobodis, l’engagement est un objectif concret et un moyen pour les collaborateurs du pôle de contribuer à la démarche d’amélioration continue de l’entreprise. L’ensemble de l’équipe logistique est engagée sur cet objectif. Au sein du pôle, chacun apporte ou a apporté ses idées. Chacun s’est senti concerné. Il y a une implication qui est intéressante. Ce sont des projets de cet ordre-là qui le permettent.
BSC : D’autres idées sont-elles dans les cartons ?
Nous avons connu ces dernières années des évolutions assez importantes dans le monde du café. Sont arrivés les produits monodose, la dosette, la capsule… La tendance est aujourd’hui à la distribution de café en vrac. Nous sommes persuadés que, dans les années qui viennent, le consommateur va repenser son mode d’achat et de consommation. Il va falloir que l’on accompagne ces changements. Nous voyons vers où le marché va tendre mais nous ne savons pas encore ce qui va l’accompagner. Les évolutions que l’on va connaître au-delà des 2 ou 3 prochaines années vont être liées à l’évolution du marché. Vis-à-vis de la démarche Fret21, nous n’avons pas encore mis sur la table ce que cela pourrait être dans 3 ans et au-delà. Le transport maritime respectueux de l’environnement, c’est sûr, on y sera !