Publié le 7 octobre 2021
Pendant deux ans, l’Adeupa et la Chambre d’agriculture ont animé une démarche prospective sur les filières agricole et agroalimentaire en Finistère. Objectifs : mieux connaître et comprendre les enjeux auxquels les professionnels font face, pour identifier les meilleurs moyens de les accompagner. Une démarche qui fait largement écho aux priorités de Bretagne Supply Chain et aux enjeux identifiés par le Cluster et ses adhérents.
L’opportunité d’une démarche prospective dédiées aux filières agricoles et agroalimentaires finistériennes remonte à l’année 2018. Elle entendait répondre à la demande des membres de l’Adeupa qui souhaitaient mieux connaître l’agriculture et l’agroalimentaire, « véritable socle de l’économie du Finistère ». L’objectif était également de pouvoir identifier les enjeux et les leviers à activer pour accompagner les professionnels de cette filière.
« Nourrir les femmes et les hommes est la vocation première de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Cette fonction vitale en fait des filières essentielles du développement territorial finistérien. Les caractéristiques pédoclimatiques locales et les prévisions climatiques moins défavorables que dans d’autres régions, la qualification de la main d’œuvre, la qualité des outils et des process de production constituent autant d’atouts précieux sur lesquelles ces filières pourront durablement s’appuyer. »
Cette démarche, basée sur le temps long, a permis, au travers d’un diagnostic très large, de mettre en débat des pistes d’actions auprès des professionnels, des élus, des agents des collectivités et des représentants associatifs, avant, collectivement de formuler des orientations stratégiques.
Un diagnostic exhaustif et sans concession
Surfaces agricoles, pyramide des âges, foncier, relations entre acteurs, présence de l’industrie agroalimentaire, positionnement du Finistère par rapport aux départements voisins, évolution des circuits de distribution, circuits courts… : le diagnostic de la filière agro / agri du Finistère a permis de partager un constat d’étape et d’identifier les priorités et les points d’achoppement. Le lien entre agriculture et industrie agroalimentaire est bien évidemment une particularité mise en avant dans les synthèses de la démarche. Les industriels bretons sont représentés dans l’ensemble des départements bretons et structurés au niveau régional pour répondre à des marchés nationaux voire internationaux et déployer l’ensemble de la chaîne de valeur de la filière : collecte de la matière première, transformation, commerce de gros, acheminement vers des plateformes de stockage… « Toutes ces industries permettent à la Bretagne d’être lisible sur un plan alimentaire au niveau national et participe à caractériser l’image de la région », précisent les rapporteurs de l’étude. Dans le Finistère, de grands acteurs sont largement implantés (Bigard à Quimperlé [1.790 emplois à l’échelle du département], Eureden à Quimperlé aussi [1.180 emplois], Even à Ploudaniel [2.230 emplois], Les Mousquetaires [1.380 salarié·e·s]…
La logistique, enjeu prioritaire
Outre les activités productrices, le rapport met aussi en avant les fonctions essentielles au fonctionnement de la filière : machinisme agricole, recherche, enseignement, équipementiers, emballages… La logistique est bien évidemment un enjeu clairement identifié par les participants aux travaux. C’est bien connu, en matière de logistique longue distance, la Bretagne se trouve éloignée des principaux corridors européens de transports de marchandises. « Cette situation est d’autant plus pénalisante que les plateformes se situent aujourd’hui très majoritairement en Bretagne orientale, voire plus à l’est ». En l’absence de mode de solution alternative performante, le transport routier reste largement majoritaire. L’agriculture et les industries agroalimentaires représentent environ 40% des exportations hors Bretagne. L’enjeu pour les producteurs finistériens est de trouver des solutions à cette contrainte d’éloignement pour rester compétitifs. L’une des solutions est la massification, source d’optimisation des coûts de transport et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
L’agriculture et les industries agroalimentaires représentent environ 40% des exportations hors Bretagne.
En matière de logistique urbaine, les objectifs sont les mêmes mais les contraintes diffèrent : congestion, mobilier urbain, accès… Il peut s’agir d’organiser le dernier kilomètre après un voyage longue distance mais aussi les circuits courts avec la livraison d’une marchandise produite localement vers un client local. Concernant le dernier kilomètre, le transport est confié à des professionnels alors que, lorsqu’il s’agit de circuits courts, il est, le plus souvent, réalisé par le producteur.
Un socle de valeurs communes
Sur la base de ce diagnostic complet, la démarche a permis de proposer à l’ensemble des acteurs impliqués un socle de quatre valeurs communes :
- La rentabilité, intégrant la question de l’optimisation logistique à l’exportation comme en circuit court
- La qualité, y compris « la qualité relationnelle entre les parties prenantes du secteur agricole et agroalimentaire » et la question de l’attractivité des métiers et l’amélioration des conditions de travail, « dans une filière où les métiers sont parfois difficiles et en tension notamment pour les chauffeurs routiers ».
- La durabilité
- La solidarité
Des orientations au croisement des enjeux et des actions de Bretagne Supply Chain
Les échanges ont permis de construire des propositions autour de trois orientations majeures : sécuriser le revenu des agriculteur·rice·s par un nouvel optimum économique, social et environnemental ; assurer et anticiper la capacité de production à venir ; accompagner collectivement les mutations en cours.
Des orientations qui font largement écho aux enjeux portés par Bretagne Supply Chain sur son domaine d’activité et qui légitime l’activité du Cluster au croisement des filières. Attractivité des métiers, conditions de travail, besoins de main d’œuvre saisonnières, démarche RSE, implantation foncière, limitation de l’empreinte écologique, formation… : autant de priorités identifiées aussi par les acteurs de la supply chain.
Le lien est aussi clairement fait au sein des préconisations sur la nécessaire performance de la chaîne logistique. En effet, « si l’amélioration de la rentabilité peut être réalisée au sein de l’entreprise, il est également possible de l’améliorer en maîtrisant mieux les coûts externes tels que le transport des marchandises notamment. En matière logistique, la situation péninsulaire du Finistère est globalement une contrainte selon les marchés visés par l’entreprise de la filière ». Pour les rapporteurs, « cette faiblesse est d’autant plus forte que la pointe bretonne n’est pas connectée aux principaux corridors de transport de marchandises. Améliorer la qualité de la logistique constitue une piste importante, car les délais de livraison pénalisent les entreprises de l’agroalimentaire finistérien ».
Optimiser le temps de transport et donc réduire les coûts
D’après les conclusions du rapport, « l’une des méthodes pour parvenir à limiter la contrainte de la distance est d’optimiser le temps de transport ». En matière de logistique, l’une des principales revendications des entreprises finistériennes de l’agroalimentaire est « la baisse de contraintes en matière de livraison et d’accepter d’étendre la norme de date de livraisons pour certains produits (de jour à jour, à jour +1) pour le territoire français ».
Par ailleurs, « une meilleure connexion aux principaux bassins de consommation européens pourrait s’opérer par le train ; cela implique une relance du fret ferroviaire entre le Finistère et les principales plateformes logistiques nationales ».
86% des participants aux travaux veulent que des solutions logistiques alternatives à la route soient proposées (72% parmi les professionnels de l’agri-agro, 89 % au sein des collectivités, 100 % dans les associations)… mais les commentaires pointent le caractère peut-être utopique de cet objectif dans le contexte finistérien.
Une autre possibilité identifiée est le transport maritime. Ce dernier reste pour l’instant sous-utilisé au départ de la Bretagne alors même que le Finistère dispose d’infrastructures portuaires.
En matière logistique, l’autre enjeu majeur est celui de la massification afin de diminuer le coût de transport. L’optimisation logistique passe par la mise en réseau d’un maximum d’acteurs pour acheminer les marchandises hors de Bretagne, à l’instar du système mis en œuvre par le GIE Chargeurs Pointe de Bretagne. « L’optimisation de l’approvisionnement à l’échelle régionale est également un enjeu qui permet de contribuer à l’équilibre des trafics ».
Mieux organiser la logistique de proximité
L’enjeu de la logistique réside dans la maîtrise des coûts à la fois économiques et environnementaux pour l’agriculture elle-même. Les pratiques de livraison en circuit court souffrent d’une plus faible optimisation et intégration de la fonction logistique. Pour les participants aux travaux, « la création d’un site visant à organiser la logistique urbaine pourrait ainsi être une opportunité pour les acteurs de la production-distribution (mutualisation de livraisons, stockage, mutualisation des débouchés…) ».
La restauration collective demeure un débouché important pour les circuits courts. Les dernières prescriptions (Loi Egalim) tendent à encourager de plus en plus la part du local dans les approvisionnements de restaurations collectives. « Mutualiser le transport à destination de ces établissements apparaît donc comme une action à mener pour faciliter la participation du plus grand nombre à cette dynamique ». Sur le même sujet, les participants ont identifié la nécessité d’organiser un réseau de logistique de proximité, sans concurrencer les réseaux logistiques « filières longues » déjà instaurés.
63% des participants considèrent que les collectivités territoriales doivent encourager la mise en œuvre d’un service de transport de produits agricoles et agroalimentaires à destination de la restauration collective et 78% veulent qu’elles accompagnent l’émergence des besoins en logistique de courte distance.
Autre sujet évoqué en lien avec la logistique : les emballages. L’arrêt de l’emballage plastique unique, prévu à l’horizon 2040, « risque de remettre en cause tout un système économique ». Aussi, certaines entreprises anticipent ces nouvelles règlementations et se penchent sur la solution du carton par exemple pour l’emballage. À l’avenir, le zéro déchet et l’anti-gaspillage pourraient permettre aux entreprises d’accroître leur compétitivité (pratiquer le vrac, consigne du verre, limiter au maximum le plastique, utiliser les emballages en carton…).
« Les idées naissent des rencontres »
Créer du lien entre les acteurs finistériens, de l’amont et de l’aval, est un objectif partagé par les participants aux travaux prospectifs. Constat partagé par les acteurs interrogés [et ADN de Bretagne Supply Chain], « la création de liens entre secteurs économiques, qui n’ont pas, à première vue, vocation à travailler ensemble, peut s’avérer particulièrement judicieux. Les passerelles entre l’agriculture, l’agroalimentaire et les autres secteurs d’activité sont donc à encourager. Les idées naissent des rencontres aussi, organiser des temps d’échange multifilières intra et inter-territoires pourrait être l’occasion de déceler des opportunités ». Une vision à laquelle Bretagne Spply Chain ne peut qu’adhérer…
Une nécessaire « mobilisation collective et solidaire »
A l’issue de ces travaux, François Cuillandre, président de l’Adeupa Brest-Bretagne, et Jean-Hervé Caugant, président de la Chambre d’agriculture du Finistère, invitent « chacun, dans son domaine d’intervention, à se saisir des orientations proposées. Les évolutions à venir seront majeures. À l’image des transitions auxquelles la société fait face dans son ensemble, elles sont porteuses d’espoirs tout autant que d’inquiétudes. C’est donc une mobilisation collective et solidaire qu’il s’agit de faire vivre. Il sera pour cela nécessaire de prolonger le dialogue engagé à l’occasion de cette étude et d’assurer la coordination entre acteurs publics et privés de la pointe bretonne. C’est ensemble que nous pourrons explorer de nouvelles voies, diverses dans les types de productions comme dans les formes d’organisations. »