Publié le 5 mai 2022
Le jeudi 28 avril, Bretagne Supply Chain organisait sa journée événement sur la thématique des énergies en supply chain. La question, qui se voulait un tantinet provocatrice, « et maintenant, on fait quoi ? » a réuni près de cent personnes sur la journée entière. Entre les visites d’entreprise le matin et le colloque l’après-midi, les échanges ont été nombreux.
Ce fût une journée conviviale, d’échange et de partage. Au programme de ce jeudi 28 avril : deux visites d’entreprises bretilliennes sur la thématique de la transition énergétique et un colloque. Ce dernier mêlant la parole scientifique de Jean Jouzel, membre du GIEC et expert climatique, et les retours d’expérience d’acteurs de la supply chain bretonne qui mènent des actions pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
Des retours d’expérience en direct
C’est l’une des activités favorites des adhérents de Bretagne Supply Chain : la visite d’entreprise. Ce moment d’échange privilégié où la problématique est directement incarnée et expliquée par les acteurs. Pour cette journée consacrée aux énergies en supply chain : Gautier Fret Solution implantée à Noyal-sur-Vilaine et Easydis à Gaël. La première, un prestataire logistique spécialisée dans la messagerie et qui s’oriente vers une flotte de porteurs électriques. La seconde, une plateforme logistique qui a décidé d’optimiser énergétiquement son entrepôt (relamping, optimisation de la production de froid…).
Des visites enrichissantes qui ont permis à chacun·e de se rencontrer, d’échanger avec les différents acteurs des entreprises qui ont entamé leur transition énergétique sur des aspects différents. Les adhérents qui ont choisi la visite GFS ont même pu tester un de leurs porteurs électriques !
Jean Jouzel, le porte-voix scientifique
L’assemblée générale de Bretagne Supply Chain a lancé l’après-midi. Durant celle-ci, le nouveau conseil d’administration de l’association a été présenté. Puis, dès 16h, ce fut le moment du temps fort de cette journée : le colloque « Énergies en supply chain : et maintenant on fait quoi ? « .
Jean Jouzel, expert climatique français et membre du GIEC, a introduit ce colloque et représenté la parole scientifique. « Dès 1992, on sait ce qu’il faut faire : diminuer les émissions de CO2 » . Après avoir présenté les chiffres du dernier rapport du GIEC et rappelé que « chaque demi-degré compte« , il a évoqué les grandes recommandations.
Cinq leviers pour atteindre le zéro émission attendu en 2050
Pour Jean Jouzel et les experts du GIEC, cinq leviers doivent être activés pour répondre aux enjeux climatiques et énergétiques :
- Décarboner l’énergie
- Améliorer la performance énergétique des véhicules
- Maîtriser la hausse de la demande
- Reporter les flux vers les modes les plus économes en énergie et les moins émetteurs
- Optimiser l’utilisation des véhicules
Focus sur le fret ferroviaire
Parmi les solutions à privilégier, Jean Jouzel a notamment évoqué le fret ferroviaire. Très demandé par les transporteurs notamment dans une stratégie rail-route, Jean Jouzel estime que l’on « a sacrifié le réseau ferré de façon extrêmement néfaste. On aurait dû garder les infrastructures. » En cause ? La civilisation de la voiture qui a amené certaines infrastructures à disparaître. Jean Jouzel reconnaît qu’il voit bien « la difficulté de faire repartir le ferroviaire alors que dans d’autres pays cela fonctionne relativement bien« .
Si les chiffres et scénarios présentés par Jean Jouzel peuvent paraître pessimistes, il souligne que si collectivement et rapidement nous prenons les bonnes décisions, nous pouvons réussir à atteindre les objectifs environnementaux d’ici 2050.
Les acteurs de la supply chain bretonne racontent leurs transitions
Deux tables rondes, cinq entreprises, six acteurs de la supply chain bretonne. Tous, dans leurs entreprises respectives, s’activent à mettre en place des actions pour réduire leur empreinte énergétique. Tous, à leur échelle, visent la réduction des émissions de CO2 avec en ligne de mire le zéro-émission en 2050.
Une transition énergétique engagée chez les acteurs bretons
« Les objectifs que l’on s’est fixé rentrent dans ce cadre-là » explique Fiona David, responsable qualité et performance régionale de STEF. « Nous visons -30% d’émissions d’ici 2030. » précise t-elle. En agence régionale, à Rennes, STEF est précurseur avec 20% de sa flotte de véhicules qui roulent au B100. « Une initiative en collaboration avec le Groupe Avril » raconte Mickaël Doiteau, directeur de filiale de STEF à Rennes.
Côté Cooperl, elle a créé son propre biocarburant en séparant la graisse de l’eau. D’ici 2023, la coopérative agricole espère alimenter ses 250 camions et son parc de 700 véhicules légers.
Transports Bréger x GIE Chargeurs Pointes de Bretagne : l’union fait la force
« La co-construction est devenu une évidence » souligne Alain Egermann, directeur général des Transports Bréger (53). Le transporteur mayennais a fait de l’optimisation de ses tournées et du taux de remplissage des camions ses priorités. Plus globalement, la performance environnementale est devenu un indicateur de toutes ses actions et décisions prises. C’est pourquoi, il s’est associé avec le GIE des Chargeurs Pointes de Bretagne qui mutualise les tournées des chargeurs adhérents. Engagé dans le programme Fret 21 depuis 2021, le GIE souhaite réduire ses émissions pour permettre aux petites entreprises de s’engager. « On est un petit acteur mais si l’on est plein de petits acteurs, au final ça fait beaucoup » argumente Thierry Bailleux, directeur opérationnel du GIE.
Un outil embarqué pour optimiser les tournées d’Even Distribution
Mickaël Le Ru, responsable HSE/RSE et Valentin Authénac, animateur RSE/Développement durable d’Even Distribution ont, de leurs côtés, lancé un outil embarqué au sein de leurs véhicules. « Cet outil embarqué permet d’optimiser les tournées en fonction de la position géographique des clients« , explique Valentin Authénac. « Ca permet d’économiser 5 à 10% de kilomètres parcourus, ce qui représente un gain de CO2 au final« . Au niveau de l’orientation énergétique de leur flotte de véhicules, le Groupe est encore hésitant. Si, avant Covid, le groupe s’orientait vers des véhicules roulant au gaz, post-covid « c’était compliqué d’investir » confie le responsable HSE/RSE notamment en raison de l’équilibre économique. L’inflation du prix du gaz a freiné leur engagement. Si des véhicules gaz et électriques sont en test dans le Groupe, « il y a une petite période de flou par rapport à quel mix énergétique choisir » complète Mickaël Le Ru.
Loïc Hénaff : « On est shooté aux énergies fossiles«
En conclusion, Loïc Hénaff, conseiller à la Région Bretagne délégué au fret et la relocalisation, a présenté les grands axes de travail de la Région. Mais avant cela, il a recontextualisé la Bretagne en quelques chiffres. Les plus éloquents : sur les 151 millions de tonnes de marchandises transportées, 95% le sont par la route. Parmi ces 95%, 74% des marchandises restent en Bretagne. Au niveau énergétique, la Bretagne est « une sur-consommatrice des énergies en transport » explique Loïc Hénaff. Il va même plus loin : « on est shooté aux énergies fossiles. »
Une raison pour la Région Bretagne de lancer la construction de stratégies régionales dédiées au secteur portuaire, au fret et spécifiquement au fret ferroviaire. Pour Loïc Hénaff, « c’est par la mutualisation des usages sur toutes les infrastructures du territoire que l’on arrivera à s’en sortir. »