Publié le 23 février 2022
Le GIE des Chargeurs Pointe de Bretagne s’est récemment engagé dans la démarche Fret21. Avec un objectif de réduction de 10% des émissions de CO2 de ses transports, le groupement basculera une partie de ses flux vers le GNV et le bioGNV. Il travaillera sur l’optimisation des emballages pour optimiser ses chargements. Rencontre avec Thierry Bailleux, le responsable opérationnel du GIE.
Bretagne Supply Chain : Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
Thierry Bailleux : Je travaille au sein du groupe Lactalis depuis quarante ans. J’ai navigué dans différentes divisions, mais toujours dans la logistique. J’ai actuellement une responsabilité supply chain pour les « Vergers de Châteaubourg », une division spécialisée dans la fabrication et la distribution de compote de fruits.
D’administrateur à animateur du GIE Chargeurs Pointe de Bretagne
BSC : Comment avez-vous intégré le Groupement d’intérêt économique (GIE) des Chargeurs Pointe de Bretagne ?
T.B. : C’est en arrivant aux « Vergers de Châteaubourg » que l’on a découvert la problématique de la distribution des produits en transport ambiant vers la grande distribution. Le groupe Lactalis est spécialiste des transports en frais. Nous ne pouvions pas nous appuyer sur la logistique du Groupe pour distribuer nos produits. En cherchant des solutions de transport vers la GMS, nous avions deux solutions : soit nous entrions dans les flux de distribution décidés par les distributeurs, soit nous cherchions des solutions par nous-mêmes. C’est comme cela que nous avons découvert le GIE des Chargeurs Pointe de Bretagne. Au début, nous sommes arrivés en tant que chargeur et je représentais le groupe Lactalis en tant qu’administrateur. Depuis deux ans, je suis devenu le directeur opérationnel du GIE.
C’est pourquoi il s’est dit que la solution, pour ces petites entreprises ou celles qui produisent de petits volumes pour la grande distribution, serait de regrouper ces volumes et de mutualiser la livraison.
Thierry Bailleux, animateur du GIE des Chargeurs Pointe de Bretagne
BSC : Pouvez nous rappeler le principe du GIE ?
T.B. : Le GIE a été créé en 2012 par Jean-Jacques Hénaff, ancien dirigeant du Groupe Hénaff. Le premier constat qu’il a fait à l’époque était qu’il y avait un danger pour les petites entreprises – notamment dans le Finistère, à la pointe de la Bretagne. Ces petites ou moyennes entreprises qui produisent peu et qui étaient sans solution pour distribuer en grande distribution. Le transport se mettait en place en amont, par enseigne, et les transporteurs ne s’intéressaient qu’aux gros volumes et aux grosses entreprises.
C’est pourquoi il s’est dit que la solution, pour ces petites entreprises ou celles qui produisent de petits volumes pour la grande distribution, serait de regrouper ces volumes et de mutualiser la livraison. Le GIE s’est ainsi créé avec cinq chargeurs de la Bretagne historique, basés surtout dans le Finistère. Carrefour et Auchan sont les premières enseignes de la grande distribution à avoir accroché à l’idée.
Près de 40 000 palettes mutualisées
BSC : Dix ans après sa création, quelle est l’évolution du GIE ?
T.B. : Aujourd’hui, le GIE des Chargeurs Pointe de Bretagne regroupe 19 chargeurs adhérents dont 17 actifs (ndlr : qui remettent des palettes au GIE). Deux chargeurs sont adhérents mais ne remettent pas de volumes aujourd’hui car ce sont des spécialistes de la restauration hors foyer (RHF). Nous étudions actuellement les possibilités pour distribuer spécifiquement les entrepôts RHF.
En 2012, nous étions sur les lots moyens d’une quinzaine de palettes par point de livraisons. Nous sommes aujourd’hui passés à une moyenne de 37 palettes, et ce pour six enseignes de la grande distribution : Carrefour, Auchan, Système U, Aldi, Lidl et les entrepôts Scamark (ndlr : enseigne Leclerc).
Sur 2021, nous avons ainsi géré près de 39 000 palettes, ce qui fait qu’aujourd’hui, nous représentons un volume intéressant pour la Bretagne. En plus d’être économiquement intéressant, cela donne un réel intérêt au désenclavement de la Bretagne, tout en restant indépendant.
BSC : Quelle est l’organisation logistique du GIE ?
T.B. : Pour qu’un nouveau point de livraison soit ouvert, il faut que l’on se mette à plusieurs chargeurs – au moins deux – pour livrer un même point. Puis nous négocions avec le point de livraison pour avoir un cadencement unique et identique. Pour livrer en même temps, il faut que le distributeur nous passe les commandes en même temps. Ensuite, avec notre transporteur, nous nous mettons d’accord sur deux principes : une tournée de ramasse et une tournée de livraison.
Notre transporteur partenaire ramasse ensuite l’ensemble des palettes des chargeurs concernés. Il réunit les volumes dans son entrepôt situé à côté de Laval et, à partir de là, il regroupe les différents volumes pour aller livrer un même point de livraison. L’avantage est économique car cela permet aujourd’hui aux chargeurs d’avoir un prix unique de ramasse non-mutualisée. De l’entrepôt jusqu’au point de livraison, le prix de livraison est mutualisé. Cela représente donc un coût de transport à la baisse pour l’ensemble des chargeurs. Plus nous sommes de chargeurs, moins c’est cher.
2021 : intégration du GIE Chargeurs Pointe de Bretagne à Fret21
BSC : Pourquoi avoir choisi d’intégrer le dispositif Fret 21 ?
T.B. : Après dix ans, nous nous sommes aperçus qu’il y avait du volume – près de 40 000 palettes par an – et que cela représentait « quelques » camions sur la route à l’année. Puis, nous avons constaté que les programmes RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises, ndlr) s’étaient développés au sein de nos entreprises adhérentes. Nous nous sommes donc dit qu’il fallait défendre nos valeurs au travers du GIE mais aussi réduire notre empreinte environnementale.
BSC : Quels sont vos objectifs avec Fret 21 ? Sur quels axes allez-vous travailler ?
T.B. : Nous travaillerons sur deux axes : le premier concerne la transition vers des énergies non fossiles ; le deuxième, qui est environnemental et économique, vise l’optimisation du poids total de notre chargement. Aujourd’hui, nous avons dépassé les 33 palettes par véhicule, soit plus que la surface plancher. Mais, au poids total transporté, nous ne remplissons qu’un tiers du chargement autorisé. L’idée est de revenir à un camion mais avec plus de tonnage chargé.
BSC : Quelles actions allez-vous mettre en place pour atteindre ces objectifs ?
TB : Concernant la transition énergétique de notre transport, nous avons travaillé avec notre transporteur pour inclure dans notre contrat actuel un calcul de gain de CO2 via l’utilisation de GNV et de bioGNV. L’objectif est double : nous avons, à la fois, fixé un objectif de réduction d’émissions de CO2 par rapport au tonnage de ramasse, mais aussi sur la distribution. Avec Fret21, nous avons un engagement de trois ans. Notre objectif est d’augmenter, tous les ans, le pourcentage de carburant alternatif car nous sommes conscients qu’il faut laisser le temps à notre transporteur d’acquérir des véhicules qui n’ont pas recours aux énergies fossiles.
La seconde action que l’on mène pour optimiser notre chargement concerne nos emballages. Fin 2021, nous avons créé un groupe de travail entre adhérents pour réfléchir aux emballages des nouveaux produits. La finalité est qu’ils soient à la fois minimalistes mais aussi robustes pour nos ruptures de charges. Puis qu’ils soient transportables facilement. Renouveler l’emballage des nouvelles gammes est le plus facile. Le plus compliqué, c’est le renouvellement de l’emballage des gammes existantes. C’est un processus assez long puisque chaque chargeur possède des stocks d’emballages : il faut revoir les cylindres, rencontrer les imprimeurs…
C’est une problématique plus complexe qui prendra du temps – une année, voire davantage – pour renouveler la totalité des gammes. Mais l’idée est bien de travailler en commun pour avoir une palettisation qui soit la plus solide possible mais avec le moins d’emballage possible. Ça c’est un véritable challenge !
La première marche que représente ces trois premières années d’engagement est, pour moi, facilement atteignable sur la partie énergie fossile. Il faudra être beaucoup plus ambitieux dans nos objectifs de réduction d’émissions de CO2 lors du renouvellement de l’engagement Fret21. On a surtout beaucoup de temps à passer sur notre deuxième objectif qui est la refonte de nos emballages. C’est un travail de fond.
Des objectifs plus ambitieux dans Fret 21
BSC : D’autres actions sont-elles en cours au sein du GIE Chargeurs Pointe de Bretagne ?
T.B. : Nous avons avant tout l’envie de trouver le plus de chargeurs bretons possibles. Plus on est, moins cela coûte en transport. En parallèle, d’autres travaux sont en cours pour dupliquer ce que l’on fait aujourd’hui sur le réseau RHF et sur le transport frais.
BSC : Quelle est la valeur ajoutée de Fret21 pour le GIE ?
T.B. : Tout d’abord, Fret21, c’est un dossier passionnant à construire, mais c’est un dossier qui reste lourd. Dans nos adhérents chargeurs, sont présentes de grosses entreprises mais aussi de toutes petites. Même si ces dernières ont l’intention de rentrer dans le dispositif Fret21, je suis conscient que c’est quelque chose de lourd et qu’il y a aussi du suivi à faire. D’où l’idée de mutualiser cet engagement (sur les volumes du GIE, ndlr).
Autre valeur ajoutée : bénéficier du logo Fret21 et de montrer, qu’en plus de volonté de regrouper des entreprises parfois concurrentes pour faire du transport en commun, nous ne arrêtons pas seulement à la partie économique. Nous voulons aussi défendre nos valeurs environnementales.
BSC : Comment vos adhérents ont reçu cette adhésion ?
T.B. : L’accueil a été unanime. C’est une plus-value pour le GIE mais aussi pour chaque chargeur et également vis-à-vis des distributeurs. Ce sera peut-être un élément qui nous permettra de nous déployer davantage auprès d’autres chargeurs, qui y verront un intérêt d’être identifiés en tant qu’acteur Fret21.
Autre valeur ajoutée : bénéficier du logo Fret21 et de montrer, qu’en plus de volonté de regrouper des entreprises parfois concurrentes pour faire du transport en commun, nous ne arrêtons pas seulement à la partie économique. Nous voulons aussi défendre nos valeurs environnementales.
Thierry Bailleux, animateur du GIE Chargeurs Pointe de Bretagne