Publié le 28 novembre 2022
Les initiatives se multiplient pour réduire l’empreinte carbone du transport maritime, indispensable au commerce mondial. Philippe BEAUDOUIN, directeur de Diana Trans, nous présente celle de la Coalition des chargeurs, mise en œuvre par l’AUTF et France Supply Chain dans laquelle le groupe SYMRISE s’est engagé.
Le transport maritime est actuellement responsable de 3% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Selon le bureau d’analyse S&P Global Platts Analytics, il pourrait représenter 17% en 2050 si le secteur n’accélère pas sa décarbonation rapidement et de façon concertée. Pour éviter une telle augmentation, l’Organisation Maritime Internationale (OMI) estime que les émissions doivent être diminuées de moitié.
Bretagne Supply Chain : Pouvez-vous vous présenter et présenter Diana Trans ?
Philippe BEAUDOUIN : Je suis directeur général de Diana Trans, commissionnaire de transport agréé en douane, filiale du groupe SYMRISE (ex Diana). Nous travaillons sur les segments de marchés de l’agroalimentaire, de l’alimentation animale et de la pharmacie. Notre clientèle est composée à 70% de clients internes, donc des entités du groupe Diana, et 30% de clients externes. Nous traitons environ 40.000 expéditions par an, avec un effectif de 12 personnes, pour un chiffres d’affaires de 19 millions d’euros à fin 2022. Nous organisons environ 60% des transports par la route, et 40% en overseas, majoritairement en maritime dont les axes principaux sont les USA, le Canada, la Thaïlande, le Japon et le Brésil. Egalement, nous avons un pôle Douane de 2 personnes qui traite 5.000 déclarations par an.
Parlez-nous du projet porté par France Supply Chain et l’AUTF pour la décarbonation des transports maritimes ?
Le constat de départ est simple : l’offre alternative aux navires conventionnels est très pauvre sur le marché et il y a peu de démarches de sobriété et de décarbonation de la part des acteurs. France Supply Chain et l’AUTF se sont donc posés la question de l’étape suivante sur la décarbonation du transport maritime. D’un côté, vous aviez des projets, à long terme, orientés sur l’utilisation du biofuel, de l’autre, des projets plus isolés prônant l’utilisation de la propulsion vélique. A titre d’exemple, il existe déjà une démarche de ce type sur le Canada au départ de Montoir de Bretagne avec Neoline (cargo roulier). La construction du bateau débutera en 2023.
Dans un contexte tendu du marché du transport maritime, il y a aussi la volonté d’amener des solutions alternatives. En effet, aujourd’hui, nous comptons trois alliances principales sur le marché, qui font la pluie et le beau temps face aux chargeurs.
France Supply Chain et l’AUTF se sont donc associés pour lancer un appel d’offres pour la mise en place d’une ligne régulière à propulsion vélique entre l’Europe et les Etats-Unis. Ils ont créé une coalition de chargeurs revêtant la forme d’une association pour la décarbonation du transport : Il s’agit de la LCMT (Low Carbon Maritim Transport). Les chargeurs rejoignant cette coalition doivent s’engager à remettre du volume afin de pouvoir lancer l’appel d’offres pour la construction des navires.
Le projet vise à créer deux lignes de transport avec 4 bateaux à propulsion vélique d’une capacité de 600 à 1.000 containers afin d’assurer des départs hebdomadaires pour un transit time entre 14 et 19 jours :
- une ligne nord entre Anvers, Le Havre à destination de New-York et Charleston
- une ligne sud au départ Gênes, Fos et Valence à destination de New-York et Charleston.
Il y a donc deux collèges auxquels nous pouvons adhérer : un collège nord et un collège sud. Diana Trans s’est positionné pour le compte du groupe SYMRISE sur le collège nord. C’est un engagement sur 7/10 ans avec des conditions de sortie que nous sommes en train d’écrire avec les autres chargeurs, les avocats qui nous accompagnent et la compagnie maritime retenue.
Où en est le projet actuellement ?
Nous sommes actuellement plus de 20 chargeurs impliqués dans ce projet (Michelin, le groupe Avril, Moët Hennessy, l’Occitane…). Chacun s’engage dans la ligne sud et/ou nord, à remettre un certain nombre de containers par semaine. Nous sommes en train de construire tous ensemble le cahier des charges et les aspects contractuels.
L’appel d’offres a été lancé. Nous avons reçu plusieurs réponses et nous avons retenu l’offre de l’entreprise Zéphyr et Borée. Actuellement nous travaillons en workshop avec eux à raison d’une session par mois. Nous avançons sur notre positionnement dans les ports. Ils doivent être équipés techniquement pour accueillir ce type de bateau. Zéphyr et Borée a travaillé sur une sélection de chantiers pour la construction des bateaux, sur l’engagement des banques… Comme les chargeurs s’engagent sur du long terme, la compagnie maritime a l’accord des banques. Aujourd’hui nous sommes dans la négociation des prix. Nous n’aurons pas de fluctuation de prix due à l’éventuelle variation des coûts de l’énergie. Cela nous a permis de lisser sur 10 ans le coût du fret maritime.
Quel est l’intérêt de ce projet pour vous ?
Pour nous, le premier intérêt est d’avoir une action concrète sur la décarbonation des transports, un impact significatif sur notre bilan carbone. On estime émettre 52% de gaz à effet de serre en moins que les services standards et 80% de consommation d’énergie en moins.
L’intérêt est également d’embarquer dans un projet passionnant, d’être au début de sa construction, et d’avancer ensemble, voir les différentes étapes et être au courant des futurs projets vers l’Amérique latine ou l’Asie. Il y aura à terme d’autres lignes vers ces destinations. S’engager dans la Coalition des chargeurs, c’est aussi réserver de la capacité sur un navire à des prix stables sans mauvaise surprise. Le transit time sur la ligne nord est de 14 jours. Sur le marché traditionnel, il est actuellement de 9-10 jours pour le service le plus rapide et le plus long est de 21 jours. On est donc totalement dans la moyenne.
Si on prend le triptyque « coût-qualité-délais », la Trinité est sauvée !
Philippe BEAUDOUIN, directeur général de Diana Tran
Comment peut faire un chargeur qui souhaiterait s’engager ?
Il peut contacter le secrétaire de l’association, Géraud Pellat de Villedon qui coordonne l’ensemble de nos actions. Il est également corporate social responsability for supply chain chez Michelin. Les personnes intéressées peuvent également me contacter et je ferai le lien.
Il faut relayer cette démarche auprès des chargeurs de la pointe bretonne, qu’ils sachent que c’est bien concret et qu’il y a bien un bateau à voile qui va être mis à l’eau en 2026 pour transporter des containers de tous types vers les Etats-Unis.