Publié le 3 avril 2019
A l’occasion de la journée dédiée au DDMRP le 23 janvier prochain, BSC a rencontré Laurent Vigouroux, directeur général de B2wise France pour tout savoir sur le Demand Driven Material Requirements Planning (DDMRP).
Le 23 janvier prochain, Bretagne Supply Chain organise une journée autour du DDMRP. Au programme : un atelier de découverte grâce au jeu de simulation DDBrix Distribution et une conférence pour mieux comprendre cette nouvelle méthode pour être agile dans un environnement volatile. L’occasion d’échanger avec Laurent Vigouroux, directeur général de B2wise France, qui interviendra sur ces deux événements.
Bretagne Supply Chain (BSC) : Le DDMRP, de quoi parle-t-on ?
Laurent Vigouroux (LV) : Le DDMRP une méthode de design et de gestion de la supply chain qui permet d’organiser une planification et une exécution tirée par la demande, pour répondre au client le plus justement.
Aujourd’hui, les supply chains matures utilisent les prévisions dans un horizon de temps opérationnel pour piloter les flux physiques. Or elles sont malheureusement souvent chères et toujours fausses. Les prévisions n’empêchent ni le surstock ni les ruptures, d’autant plus que la demande du client est très variable : il change souvent d’avis, veut des produits personnalisés… et ne veut pas attendre.
Alors pour restaurer la performance opérationnelle de la supply chain, de nombreux concepts ont émergé ces 30 dernières années (lean manufacturing, théorie des contraintes, Six Sigma…), sans toucher à la logique MRP / calcul des besoins nets. Et elle est là, la révolution, ou plutôt l’étape suivante.
L’idée du DDMRP, théorisée par Chad Smith et Carol Ptak (respectivement experts reconnus mondialement en théorie des contraintes et en MRP & lean six sigma), est de replacer le client au cœur du système, en cinq étapes. Le DDMPR s’appuie sur des stocks tampons ou « buffers » qui, bien placés dans la chaîne, amortiront les variations de commande… et le stress associé !
BSC : Quelles sont ces cinq étapes ?
LV : Les 3 premières étapes permettent de dessiner une supply chain adaptée :
1. Positionner les stocks tampons au bon endroit (« où ? » plutôt que « combien et quand ? »). Pour cela, il faut connaître le besoin du client (externe ou interne) puisque ces buffers vont en absorber les variations.
2. Dimensionner ces buffers en identifiant le flux standard (demande journalière moyenne, calculée à partir de l’historique de commandes) et définir pour chaque buffer 3 zones : verte = quantité que l’on peut commander au fournisseur ou à l’usine, jaune = quantité consommée pendant le délai d’approvisionnement et rouge = zone de sécurité, pour amortir les variabilités)
L’historique de commandes (l’allié principal des prévisions) va alors permettre de déterminer l’ossature des niveaux de stock mais ne tirera plus les ordres de fabrication et de préparation.
3. Faire des ajustements des quantités « buffer » pour intégrer les évènements exceptionnels (saisonnalité, promotions). Ces ajustements peuvent être manuels ou calculés, effectués à fréquence régulière.
La quatrième étape permet de planifier.
4. Calculer le flux disponible avec l’équation suivante, qui remplace le calcul de besoins nets : commandes fournisseurs en cours + stock physique – commandes qualifiées (= commandes fermes à livrer aujourd’hui ou dans le passé + pics de commandes anticipés au-delà du standard qui détruiraient le buffer). Si le résultat est un stock tampon situé dans la zone verte, la sérénité règne. Si le buffer est dans le jaune, on passe une commande chez le fournisseur. Et s’il est dans le rouge, il est urgent de vérifier la validité du pic de consommation, de passer une commande fournisseur et d’en sécuriser l’approvisionnement.
La cinquième étape est liée à l’exécution.
5. Vérifier le niveau du buffer de stock physique et prioriser les ordres, sachant que le critère de priorisation est orienté client. Les équipes travaillent pour le « vrai » client.
BSC : Si l’on augmente les stocks, où est l’avantage opérationnel ?
LV : D’abord, ces stocks tampons, placés aux endroits stratégiques, vont permettre de réduire le stock global de l’entreprise : c’est contre-intuitif mais empirique. La condition est la pertinence de l’emplacement du buffer : placé ici, mon buffer amortira-t-il les variabilités ? Est-ce qu’il diminuera le lead time pour mon client ? Est-ce qu’il permet une baisse du stock global ?
Ensuite, la composition du stock est modifiée avec le DDMRP : globalement, on réduit le stock de produits finis et on augmente localement le stock de matières premières, composants ou semi-finis qui valent moins cher que des produits finis, d’où la baisse globale de la valeur du stock.
Les buffers permettent également d’éviter les ruptures (manque à gagner, transports express) et le coût lié au surstock, ce qui est naturellement bon pour la rentabilité de l’entreprise.
Enfin, en absorbant les variations de la demande, les buffers apaisent les flux de commandes (bullwhip effect) et le stress qu’elles génèrent tout au long de la supply chain.
BSC : Le DDMRP marque-t-il la fin du MRP et des prévisions?
LV : Le MRP a été inventé dans les années 60 et n’a pas beaucoup changé depuis. Il fonctionne très bien dans des environnements stables… ce qui n’est généralement plus notre cas. Il faut donc le faire évoluer, et DDMRP est l’étape de maturité suivante pour ce système qui est au cœur de nos entreprises. Le MRP est toujours utilisé pour propager les besoins des clients entre les buffers et la logique DDMRP vient piloter ces buffers.
Quant aux prévisions, effectivement, elles ne pilotent plus le flux physique. Mais elles restent très pertinentes pour la projection à moyen, long terme afin de réconcilier la demande et les ressources dont elle dispose pour satisfaire cette demande. Cela s’appelle le PIC (plan industriel et commercial) ou le S&OP (sales and opération plan), qui évoluent en DDS&OP pour un pilotage optimum des buffers.
BSC : La théorie est séduisante. Sur le terrain, quels sont les résultats ?
LV : Le DDMRP a été expérimenté dès 2013 chez Bernard Controls et se déploie désormais quel que soit le secteur d’activité, la position dans la chaîne de valeur (fabrication, assemblage, commerce…) ou la taille de l’entreprise.
D’ailleurs, plus d’une centaine de projets DDMRP ont été lancés en France avec le soutien de Fapics, l’association Française de supply chain management et ses partenaires. Les résultats sont remarquables : augmentation du taux de service client, accélération des flux, réduction des stocks de l’entreprise, planification apaisée, rentabilité améliorée et trésorerie plus importante. Lors du Demand Driven World organisé par Fapics à Lyon cet été, nous avons assisté entre autres, aux témoignages de Michelin, de Sames Kremlin, de British Telecom ou encore de COASA.
Le DDMRP s’intègre à un niveau stratégique parce qu’il concerne la rentabilité de l’entreprise et parce qu’il change son positionnement vis-à-vis de ses clients (segmentation des supply chains).
Au prix d’un changement de paradigme important (initié lors d’une formation certifiante DDP), le DDMRP permet aux entreprises de replacer le client au cœur de leur activité en gagnant de la rentabilité tout en apaisant les supply chains, les planificateurs et les fournisseurs.
Pour mieux appréhender le DDMRP, inscrivez-vous aux deux événements organisés par BSC le 23 janvier prochain : l’atelier de découverte grâce au jeu de simulation DDBrix Distribution et la conférence pour mieux comprendre cette nouvelle méthode pour être agile dans un environnement volatile.