Publié le 23 mars 2022
Le carrossier-constructeur, spécialisé dans les carrosseries frigorifiques pour poids lourds implanté à Avranches et Ducey, produit chaque année entre 3500 et 4000 véhicules frigorifiques. Pour Christophe Danton, directeur marketing et communication du Groupe, l’énergie est une question clé pour son métier, celui de ses clients et, plus largement, des transporteurs sous température dirigée. « Chéreau est en pleine phase de transition énergétique. Les groupes frigorifiques fonctionnent traditionnellement quasiment tous au diesel. Nous sommes en train de travailler sur de nouvelles solutions : électrique avec un pack batteries alimenté de différentes manières – en le branchant sur le secteur, avec un essieu à récupération d’énergie voire avec des panneaux solaires -, mais aussi hydrogène. »
Mais si les nouvelles solutions énergétiques font partie de la solution, elles ne doivent pas faire oublier la priorité : la frugalité énergétique des véhicules. « La transition énergétique, ce n’est pas seulement passer d’une énergie à une autre […], c’est aussi de faire en sorte que les véhicules […] consomment moins d’énergie lors de leur exploitation. Sur le sujet, Chéreau travaille notamment sur l’isolation des semi-remorques et sur le poids et l’aérodynamisme des ensembles routiers. »
L’hydrogène, un des vecteurs énergétiques de demain
Le carrossier constructeur est convaincu que l’hydrogène est un des vecteurs énergétiques de demain. Pourquoi ? « Parce que l’hydrogène ne va pas changer les usages actuels de nos clients. On fait le plein en quelques minutes, on a une journée d’autonomie pour l’activité… C’est un avantage clé par rapport à l’électrique qui, aujourd’hui, réclame encore des temps de recharge qui apportent des contraintes d’exploitation ».
Une conviction qui a poussé Chéreau à lancer le projet Road dès 2016. Un projet qui a permis de tester l’hydrogène pour les remorques frigorifiques, mais aussi de travailler sur l’isolation et l’aérodynamisme du véhicule. Sorti en 2019, le véhicule « Road » a été testé par les Transports Malherbe puis par le groupe Delanchy. « En termes d’apprentissage, avec ce premier prototype, on sait que cela fonctionne, que l’on est capable de produire du froid sur un groupe électrique à partir de l’hydrogène ». Un premier prototype qui en a appelé d’autres. « Sur les nouveaux véhicules que nous sortons cette année, nous avons fait d’autres choix techniques issus des premiers apprentissages ». Ainsi sur les nouveaux véhicules, la puissance globale est aujourd’hui multipliée par trois.«
La nécessité de créer des écosystèmes complets
Pour Christophe Danton, même si les progrès technologiques sont rapides, la solution hydrogène n’est pas pour demain. Cela nécessitera la déploiement d’une filière complète, de la production d’hydrogène vert ou bas carbone aux usages, en passant par le transport de l’hydrogène. « Si nous n’avons pas toute cette chaîne, cela ne fonctionnera pas ». C’est pour cela que Chéreau s’implique dans différents projets sur le territoire national. « En parallèle du développement de notre future gamme hydrogène, nous sommes aussi associés aux divers acteurs de la chaîne pour pouvoir – avec notre modeste brique […] – nous agglomérer à d’autres usages autour de futures stations. Les deux véhicules que nous allons mettre sur la route cette année vont être adressés à Vannes, autour d’une station dans l’enceinte de l’usine Michelin. »
L’hydrogène au début de son histoire
Verra-t-on demain des remorques frigorifiques à l’hydrogène partout en France ? Pour Christophe Danton, « on en est encore au début de l’histoire. Nous sommes encore en phase prototype. Il va falloir que l’on arrive à des véhicules de pré-série puis à des véhicules de série. Cela va nous prendre encore quelques années. Tout comme cela va prendre quelques années pour qu’il y ait un maillage de stations suffisant pour que nos clients puissent utiliser de l’hydrogène, surtout pour la partie traction. Néanmoins, on voit la filière en train de se créer. C’est une réalité. Concrètement, nous aurons, à termes, des véhicules hydrogène en quantité ». Christophe Danton en est convaincu, la filière hydrogène va avancer rapidement. « La filière a une dynamique exceptionnelle et est en train de se monter à vitesse grand V. »
Quelques années pour être accessible
Pour s’étendre, l’hydrogène devra aussi être compétitif en termes de coût. « Aujourd’hui, nous sommes sur des prix prototype qui ne sont absolument pas intéressants en termes de TCO. Mais les projections qui sont annoncées misent sur des véhicules qui ne seront pas plus chers que les véhicules diesel en termes d’exploitation ». Une semi-remorque frigorifique vaut aujourd’hui environ 70.000 euros. Une semi-remorque frigorifique hydrogène, aujourd’hui en mode prototype, monte jusqu’à 280.000 euros. « Clairement, ce n’est pas accessible pour le besoin de tous les jours. C’est fait, à l’heure actuelle, pour quelques clients pionniers qui ont la transition énergétique dans les veines, qui ont les moyens et l’envie d’y aller ».
Un nécessaire travail collectif pour partager les surcoûts
Pour Christophe Danton, « il va falloir que les transporteurs, les chargeurs et les distributeurs décident ensemble de passer du diesel à l’hydrogène sur certaines lignes quand c’est pertinent, et de partager ensemble les surcoûts dans un premier temps. Il va aussi peut-être falloir que le grand public accepte quelques centimes de plus sur son pot de yaourt qui a été transporté sans CO2. Si tout le monde attend que cela coûte le même prix que le diesel, l’hydrogène ne décollera jamais ».