Publié le 22 février 2022
L’association Wind Ship et ses partenaires viennent de publier un livre blanc dédié à la propulsion des navires par le vent. Objectif : démontrer que la technologie est aujourd’hui crédible, performante et disponible pour assurer la durabilité du transport.
Créée en 2019, l’association Wind Ship entend accélérer la transition écologique du maritime grâce au déploiement de la propulsion des navires par le vent. En partenariat avec l’ADEME, Nantes Métropole, la Région Bretagne, la CARENE et le Cluster Maritime Français, elle vient de faire paraître un livre blanc sur le sujet. Objectif : informer les usagers directs (armateurs, transporteurs, commissionnaires, acteurs portuaires) et indirects (utilisateurs de transport maritime et acteurs de la distribution) sur le sujet et consolider les écosystèmes territoriaux pour accélérer le développement de la filière.
« Des navires de commerce à propulsion vélique sont déjà en exploitation et des démonstrateurs de technologies innovantes […] ont montré le formidable potentiel d’innovation de l’écosystème français. Cependant, à l’évidence, [le] soutien à l’innovation ne suffit pas pour accélérer le déploiement sur l’ensemble de la flotte de commerce. Des doutes et des interrogations demeurent, légitimes et souvent par méconnaissance. Il est donc apparu naturel à l’ADEME de soutenir l’association Wind Ship et ses adhérents dans ce travail de rédaction d’un livre blanc. »
Philippe Cauneau, ingénieur, service Transport et Mobilités, ADEME
Une solution déjà disponible et efficiente
Exploiter le vent pour propulser la flotte des navires marchands est une solution déjà disponible pour améliorer l’empreinte carbone du secteur. Le livre blanc est donc avant tout l’occasion de présenter les solutions technologiques aujourd’hui déployées ou envisagées à court terme. La propulsion des navires par le vent s’appuie en effet sur un croisement d’innovations dans différents domaines, comme la construction navale et le nautisme mais aussi la course au large, l’aéronautique et le numérique. Ces technologies se déclinent aujourd’hui en de multiples variantes de voiles ou d’ailes, en rotors ou profils aspiré, et enfin en kites.
Un des avantages majeurs mis en avant par le livre blanc est que ces solutions peuvent être installées sur des navires existants. Les nouveaux systèmes propulsifs s’adaptent à presque tous les types de navires. Quinze premiers grands navires de charge sont aujourd’hui équipés de technologies de propulsion par le vent : pétrolier, vraquier, ferry, cargo polyvalent, roulier et navire de pêche sont actuellement en test.
Autre avantage : les solutions de propulsion par le vent peuvent fonctionner seules ou en complémentarité avec une motorisation classique, ce qui leur permet de s’adapter aux contraintes économiques actuelles du transport maritime, en termes de vitesse notamment. L’énergie du vent propulse ainsi un navire de taille moyenne avec suffisamment de puissance pour constituer son moteur principal sur des routes adaptées, comme les transatlantiques. Selon les tailles et types de navires, elle peut aussi être une source de puissance complémentaire permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 5% à 20% sur des navires existants, et de plus de 30% sur des nouveaux navires.
D’après Wind Ship, qui s’appuie sur deux études européennes et britanniques, 10.000 navires pourraient être équipés d’ici 2030 et jusqu’à 45% de la flotte mondiale d’ici 2050.
Un engouement naissant des chargeurs
Les grandes entreprises affichent de plus en plus leur volonté de décarboner leur chaîne logistique dans le cadre de leur politique de RSE. L’Association des utilisateurs du transport de fret (AUTF) soutient à ce titre la démarche de onze entreprises françaises souhaitant utiliser un transport principalement propulsé par le vent en 2025. Une quinzaine d’entreprises françaises ont par ailleurs déjà conclu des contrats avec des transporteurs utilisant la propulsion par le vent.
« La décarbonation de leurs flux logistiques est au cœur de la réflexion de très nombreux chargeurs […]. L’AUTF appuie l’émergence en France d’une filière permettant le transport transocéanique de conteneurs par des navires équipés de systèmes de propulsion en majorité vélique […]. En particulier, l’AUTF co-pilote un projet visant à mutualiser les besoins de diverses entreprises pour créer une demande de transport sur des routes transatlantiques entre l’Europe et les Etats-Unis suffisante pour susciter la création d’un service régulier de cargos à voile sur ces lignes. »
Denis Choumert, Président de l’AUTF
Une filière industrielle à consolider
Le livre blanc est aussi l’occasion de faire le point sur le déploiement des filières industrielles dédiées sur le territoire. Wind Ship a ainsi recensé une trentaine de développeurs de technologies dans le monde, dont neuf en France. Deux tiers des projets français ont déjà installé des démonstrateurs à terre ou mené des tests en mer et deux usines de production sont déjà en construction. De jeunes armateurs développent des lignes maritimes décarbonées par le vent, pour le transport de fret et de passagers. Des bureaux d’ingénierie, cabinets d’architectes, sociétés de sous-traitance industrielle et chantiers navals ont aussi dédié des moyens aux projets de ce secteur.
Ces entreprises s’implantent aujourd’hui préférentiellement dans les territoires dont l’écosystème industriel apporte des savoir-faire essentiels issus de l’aéronautique, la construction navale, le nautisme et le numérique. C’est le cas de la façade atlantique avec le pôle dédié aux activités nautiques et maritime à Nantes Métropole, le centre industriel lié aux nouvelles propulsions pour la CARENE (Saint-Nazaire agglomération) ou avec l’animation de la filière pour la Région Bretagne.
La mobilisation des bureaux d’ingénierie, des architectes navals, des sociétés de sous-traitance industrielle et des chantiers navals est aussi forte, à l’image du projet AGORA, porté par Neopolia, qui vise à créer une capacité industrielle de proposer des moyens dédiés notamment à la construction de navires véliques. Ocea, Mecasoud, Piriou, Chantiers de l’Atlantique se positionnent sur ce marché.
Mais c’est aussi toute une chaîne de sous-traitance industrielle, des moyens de financement, et des chargeurs qui se mobilisent aujourd’hui en France. Pour Wind Ship, « la France possède une avance technologique et un écosystème favorable qui pourraient se transformer rapidement en une filière industrielle d’exception grâce à un soutien public et privé approprié. L’offre française doit donc se démarquer rapidement et fortement pour être créatrice d’emplois et contribuer significativement à un transport maritime plus propre ». Il s’agit aussi désormais de convaincre les armateurs et les chargeurs.
La Bretagne, région prometteuse
La région Bretagne vient d’évaluer la capacité de son tissu industriel à se positionner sur la filière de la propulsion des navires par le vent. Ainsi, 156 entreprises issues du naval, du nautisme et de la voile de compétition s’intéressent à ce marché, et 55% d’entre elles l’estiment prioritaire pour leur développement. Le poids économique de la filière est déjà estimé en Bretagne à 28 millions d’euros et 155 emplois. Au-delà de sa filière industrielle et de ses moyens de recherche, le territoire breton a aussi le potentiel pour devenir un banc de test à taille réelle de technologies, d’usages et de business models.
Accélérer le développement de la propulsion par le vent
Le livre blanc est enfin, pour Wind Ship, l’occasion de proposer un certain nombre de pistes pour structurer et accélérer le développement de la propulsion par le vent. Parmi celles-ci : des actions de communication et d’information auprès des armateurs et des chargeurs, l’introduction de ces solutions dans les appels d’offres de marchés publics ou de délégations de service public, la facilitation de l’installation industrielle des équipementiers, la création de nouvelles dessertes de proximité ou encore le soutien aux initiatives fédérant les acteurs aux échelles régionales, nationales et internationales.